Par Ibrahima Sidibé
Date de publication: 29 juin 2020
Note sur l’auteur : M. Ibrahima Sidibé est Enseignant-chercheur au Département des sciences politiques de la Faculté des sciences juridiques et politiques à l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia, Guinée.
Introduction
Il faut reconnaitre que même s’il ne revient pas au droit international de créer l’Etat, c’est à lui, tout de même, d’en définir les critères et les compétences. Dans les mêmes conditions, dues aux avatars historiques de la communauté internationale, le droit international a dû préciser le régime juridique de l’apparition et de la disparition d’un Etat. Selon l’avis de la Commission d’arbitrage pour l’ex-Yougoslavie ce sont les principes du droit International qui permettent de définir à quelles conditions une entité constitue un Etat[1].
Privilégiant tantôt l’Etat en tant qu’institution juridique, tantôt l’Etat en tant que réalité historique le régime juridique de l’Etat est un amalgame de règles uniformes fondées sur égalité souveraine des Etats, et des règles diversifiées ; plus ou moins adaptées aux différences de richesse, de puissance, de régime économiques, sociaux et culturels entre Etats. Le compromis entre recherche de l’uniformité et souci de diversité varie lui- même d’une époque à une autre [2].
La définition selon laquelle l’Etat est un phénomène historique, sociologique et politique pris en compte par le droit, a pour ambition de l’isoler des autres entités qui interviennent dans les relations internationales au nombre desquelles se trouvent les organisations internationales. L’Etat doit rester l’acteur le plus puissant et rare pour pouvoir conserver la place privilégiée qui est la sienne dans la conduite des relations internationales.
Ce privilège est illustré par le fait que l’Etat est le seul sujet du droit international qui bénéficie de l’attribut, combien de fois, enviable et envié de souveraineté ou de l’indépendance.
L’origine de ce privilège remonte à l’histoire des Etats modernes en Europe qui sont nés de l’éclatement des empires. Ils se sont affirmés en refusant de se soumettre à l’autorité d’autres entités politiques comme dit l’adage : le roi de France est l’Empereur de son royaume.
Cependant, tel que retenu par la doctrine de façon unanime, aucune collectivité humaine ne peut prétendre au statut d’Etat si elle ne dispose d’une population, d’un territoire et d’une autorité politique. Ces éléments constitutifs de l’Etat, qualifiés d’objectifs sont certes, nécessaires mais ne sont pas suffisants, à eux seuls, pour conférer la qualité d’Etat à la collectivité. Il faut en plus que l’entité en cause bénéficie d’un élément, cette fois-ci psychologique, qui est la souveraineté ou la reconnaissance de cette qualité de la part des autres membres de la communauté internationale.
Comme l’ont reconnu Patrick Daillier et Allain Pellet, L’Etat n’est pas la seule collectivité humaine qui peut se targuer de disposer d’une population, d’un territoire et d’un pouvoir politique effectif A côté de lui et même en son sein d’autres collectivités autonomes revendiquer les mêmes caractéristiques. Or, il n’est pas douteux que ces concurrents de l’Etat n’ont pas la même place que lui en tant que sujets du droit international. C’est donc dire que seul l’Etat peut prétendre à une effectivité complète, autant internationale qu’interne Ne mériteront la qualification d’Etat que les collectivités présentant le caractère unique d’être souveraine [3].
Pour Jean Bodin, dans sa grande œuvre publiée en 1576, l’Etat est « le droit gouvernement de plusieurs ménages et de ce qui leur est commun avec puissance souveraine » Selon le même auteur, la souveraineté revêt deux aspects : un aspect interne (souveraineté dans l’Etat) qui fonde sa légitimité ; et un aspect externe (souveraineté de l’Etat) qui est la reconnaissance d’un Etat de la part des autres acteurs de la communauté internationale, notamment les autres Etats comme Etat souverain avec les obligations et avantages y afférents.
C’est ce tournant qui est parfois difficile à négocier à l’époque actuelle pour les nouveaux Etats. Les Etats menacés de démembrement et leurs alliés récusent, le plus souvent et, parfois, à juste raison, l’accession à l’indépendance des groupes séparatistes pour leur interdire l’usage égalitaire des moyens de pression militaires et diplomatiques. Et ces groupes se battent pour le contraire, c’est-à-dire leur droit à l’usage égalitaire de ces moyens tant sur le plan qu’international. La situation au Sahara occidental est illustrative en la matière.
La question qu’on se pose maintenant est relative à la situation du Somaliland qui s’est autoproclamé indépendant il y a plus de cela 25 ans et qui du manque de reconnaissance de son statut d’Etat par les autres membres de la communauté internationale bien que disposant des autres éléments constitutifs de l’Etats cités plus haut à savoir : la population, le territoire et le pouvoir politique. Ce territoire mérite-t-il la reconnaissance en tant qu’Etat souverain ? Répond-t-il aux critères consacrés par le droit international pour prétendre au statut d’un Etat souverain ?
Le souci majeur de la communauté internationales Surtout les Etats Africains étant de ne pas encourager la désintégration des Etats africains, déjà fragiles, par la reconnaissance de l’indépendance autoproclamée du Somaliland situation qui pourrait durcir la position des autres groupes qui nourrissent des ambitions similaires, tels que le Sahara Occidental (au Maroc), le soudan du Sud (au Soudan), la Casamance (au Sénégal), le Biafra (au Nigeria), l’Azawad (au Mali), l’Ogaden (en Ethiopie) etc. Cette position est le bien fondée dans le cas spécifique du Somaliland ?
Ces questions serviront de ligne de mire pour la situation du Somaliland qui peut être une situation, certes similaire mais différente, à certains égards, des autres citées ci-dessus. C’est la raison pour laquelle nous allons nous intéresser au territoire du Somaliland pendant la colonisation jusqu’à la création de la fédération avec la République de Somalie après l’indépendance, ensuite nous examinerons la circonstance de la rupture avec la République de Somalie ainsi que la situation actuelle.
- Le Somaliland, de l’Etat colonial l’indépendance
A l’origine, l’avènement des Etats était l’aboutissement d’un processus essentiellement historique et sociologique, donc extérieur au droit international auquel il s’imposait comme une réalité, un fait accompli. C’est le cas des Etats-nations ; c’est-à-dire un Eta créé par une nation. Que cette nation réponde au critère définis par les allemands et Fichte4[4] ou à celui plus simple du français Ernest Renan[5].
De ce point de vue, le juriste ne pouvait faire qu’une description en ce qui concerne la typologie des Etats sans que celle-là ne
Corresponde à des différences sensibles des régimes juridiques. A partir de l’élément territorial deux modes de création d’Etat peuvent être opposés : la création secondaire et la création primaire comme ont laissé entendre certains auteurs, selon que le territoire était déjà un territoire étatique (création secondaire) ou non (création primaire)[6]
Cependant lorsque le critère dominant est le rôle joué par la population locale dans la formation de l’Etat, la typologie varie : on distingue alors la formation originaire de l’Etat où la volonté populaire d’autodétermination est déterminante ; et la formation dérivée où la création est décidée par des Etats tiers ou octroyée par la puissance dominante. Le cas du Libéria peut être illustratif en tant que formation à la fois primaire à cause du fait que le territoire n’était pas un Etat au paravent ; et originaire à cause du rôle de la population dans la création de l’Etat comme un Etat indépendant et souverain en 1847.
Dans la situation actuelle où tous les espaces terrestres sont occupés il n’y a que deux catégories de statuts : soit le territoire est un Etat souverain, ce qui est le cas de la plupart des Etats de la planète maintenant ou ils forment des Etats coloniaux. Dans une situation de ce genre les Etats nouveaux ne peuvent se créer que par trois méthodes soit par la séparation de l’Etat colonial avec l’Etat colonisateur, le processus est appelé décolonisation ; soit par l’éclatement d’un Etat préexistant. C’est la sécession ou la dissolution d’un Etat ; enfin par la création consensuelle d’un Etat issu de l’association des Etats autrefois indépendants.
Il est question de situer le cas du Somaliland dans un de ces processus de formation d’Etat et voir s’il y a matière de défendre sa prétention d’être reconnu comme un Etat souverain.
1.1 Le Somaliland en tant que colonie
Le partage colonial de l’Afrique a éparpillé le peuple Somali entre cinq territoires séparés le Somaliland italien ; le Somaliland français ou Djibouti retenu par la France afin d’y établir un dépôt de charbon ; le plateau d’Ogaden annexé à l’Ethiopie par le Roi Ménélik II, la partie du Sud rattachée au Kenya, et le Somaliland Britannique conservé par la Grande Bretagne initialement pour s’assurer que sa garnison militaire à Aden est régulièrement ravitaillée en viande.
C’est ce territoire qui fait l’objet de notre étude.
Comme évidence, le Somaliland a été l’objet de colonisation au même titre que les autres Etats actuels qui composent notre continent à l’exception du Soudan du Sud dont l’indépendance, pourtant reconnue par la communauté internationale compris la quasi-totalité des autres Etats africains, est acquise à la suite d’un long conflit armé de sécession.
Quand il occupa cette région du Nord somalien à la fin du siècle, le Royaume-Uni n’avait que deux objectifs : empêcher les Français d’accéder au déboucher de la mer Rouge et
Approvisionner sa colonie voisine d’Aden établie dans une zone désertique. Il était peu soucieux de rentabiliser le territoire se contentant d’une gestion minimaliste, s’ingérant peu dans l’administration indigène et ses efficaces mécanismes de résolution de conflits pastoraux
1.2 Le Somaliland dans le processus de création d’Etat à l’indépendance
L’établissement de frontières ne fait l’objet d’aucune technique de la du droit international en ce sens que les Etats ont la liberté de choix entre diverses opportunités de détermination de leurs frontières. Les données naturelles (une ligne qui coïncide avec un obstacle naturel tel qu’un fleuve ou une montagne) peuvent se révéler pertinentes à l’exception de la délimitation du littoral maritime où le droit international reste incontournable. Parfois se sont les frontières antérieures ayant des prépondérances historiques ou sociales qui peuvent prévaloir ; ou même les Etats peuvent faire table rase du passé tout en s’appuyant sur les points ou des lignes artificiels par rapport à la prépondérances historiques ou sociales qui peuvent prévaloir ; ou même les Etats peuvent faire table rase du passé tout en s’appuyant sur les points ou des lignes artificiels par rapport à la longitude ou à i attitude pour établir leurs frontières.
Cependant, aucune de ces techniques n’a pas été efficace pendant le partage de l’Afrique dans la mesure où les puissances colonisatrices avaient très peu de connaissance sur le continent africain comme l’a reconnu le Premier ministre britannique d’alors, Lord Salisbury devant une audience à Londres : « Nous étions en train de donner les montagnes et fleuves et lacs aux uns et aux autres, avec la seule entrave que nous ne savions jamais exactement Où ils sont. »[7] Il était encore plus difficile d’utiliser ces procédés pendant la décolonisation dans la mesure où consensus qui était à la base de la colonisation ou du partage de l’Afrique n’était plus d’actualité au moment de sa décolonisation. Chaque unité territoriale avait chargé de mener ses propres luttes avec ses propres moyens pour accéder à l’indépendance parfois contre un colonisateur réticent à concéder ses privilèges de domination.
Dans la phase de décolonisation en Afrique leg nouveaux États ont adopté la forme très simple et parfois trop simple[8] de délimitation des frontières. C’est le principe Uti possidetis qui consiste à fixer la frontière en fonction des anciennes limites administratives internes à un Etat préexistant dont les nouveaux Etats accédant à l’indépendance sont issus.[9]
Les Etats africains s’engagèrent dans la même voie à l’aube de l’indépendance, même ne l’ayant pas inscrit dans la Charte de l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine), ils se sont engagés à le respecter conformément à l’adoption de la résolution 16-I de l’O.U. A, Le Caire, en juillet 1964[10] et la Déclaration de la Conférence des Non-alignés du Caire, en octobre 1964. Le principe couvre non seulement les limites administratives internes à chaque empire colonial mais aussi les limites externes de ceux-ci.[11]
Le Somaliland, à l’instar des autres colonies, a accédé à l’indépendance en héritant de l’unité territoriale qui constituait une colonie britannique en application du principe Uti possidetis.
Contrairement à beaucoup de peuples africains, les somalis se sont lancés dans le processus de l’indépendance avec un sens profond d’identité nationale. Ils parlent la même langue, ils ont une culture commune fondée sur la coutume et la tradition pastorale.
Ils partagent aussi un profond attachement à l’Islam.
2. Le Somaliland après l’independence
En dépit de l’extrême pauvreté et du manque de ressources, toutes les énergies du gouvernement somali étaient axées sur l’unification. Depuis le début, les somalis n’ont pas accepté la validité des frontières établies entre eux par la colonisation. Ils soutenaient l’insurrection dans le district frontalier du Nord du Kenya et dans l’Ogaden en Ethiopie
2.1 L’unification du Somaliland et de la Somalie
Le Somaliland a accédé à l’indépendance le 26 juin 1960, et obtenait du coup le statut d’un Etat souverain comme tous les autres Etats africains en application, comme cité plus haut, du principe Uti possidetis. Quelques jours plus tard, le Ier juillet 1960, la Somalie, alors territoire sous tutelle des Nations unies (administrée par l’Italie, l’ancien pouvoir colonial) acquit également son indépendance, et dans la même circonstance devenait un Etat souverain et fut unie, le même jour de la déclaration de son indépendance avec l’État du Somaliland, dont i’ indépendance n’aura duré que cinq jours, pour fermer la République unie de Somalie. Bien que les dirigeants des territoires respectifs aient discuté de l’unification pendant des mois, la fusion a été mal préparée et les lois adoptées par chacun des deux parlements pour entériner cette unification (Act of Union) ne sont pas identiques. Mais comme signalé plus haut, l’ambition réelle des nationalistes somaliens restait la création d’une plus grande Somalie récupérant les nations somaliennes éparpillées sur les terres perdues au district frontalier du Nord du Kenya, Ogder en Ethiopie et Djibouti, colonie française, Où vivaient les un tiers des quatre millions de Somaliens.
Ce désir de réunification des somalis était inscrit dans la Constitution somalienne et exprimé Sur l’emblème de la République de Somalie qui portait cinq points étoilés représentant les cinq segments du peuple Somali.
Mais ce rêve était resté un vœu pieux. Des déceptions et frustrations ne sont pas faites at tendre. Tout présageait la fin du mariage.
2.2 La dissolution de la fédération de somalie
La Somalie connaitra une instabilité profonde. Siyaad Barre, le Président somalien, établit un règne de terreur contre différents clans qui s’opposaient ‘à son régime impopulaire. En même temps il faisait face à une résistance intérieure armée et organisée s’agit du Front Démocratique Somalien du Salut (Somali Salvation Democratic Front) et le Mouvement National Somalien (Somali National Movement) créés respectivement en 1979 et 1981. En 1988, le Somali National Movement (SNM) lance une campagne militaire. Il s’empare de Burao le 27 mai et d’une partie de Hargeisa, ville portuaire du Somaliland, le 31 du même mois. Les deux villes sont lourdement bombardées par les forces gouvernementales en juin de la même année. 14 juillet 1989, les Bérets rouges massacrent 450 musulmans manifestant dans Mogadiscio, la Capitale de la Somalie contre l’arrestation de leurs dirigeants religieux.
Le 6 juillet 1990, un match de football tourne à l’émeute à cause d’un discours du président Mohammed Siyaad Barre Soixante-deux personnes sont tuées et deux cents autres sont blessées. Le 2 octobre de la même année, le Somali National Movement (SNM), le Somali Patriotic Movement (SPM) et le Congrès Somalien Uni (United Somali Congress) signent un accord pour la mise en place d’un gouvernement de transition jusqu’à d’éventuelles élections. Le 23 octobre, une manifestation pour la libération de prisonniers politiques déclenche un affrontement avec les forces de police.
Des affrontements ont lieu à la mi-novembre entre les forces gouvernementales et le Congrès Uni Somalien (United Somali Congress), à l’avantage des rebelles. Le décembre, le ministre de la défense appelle à la mobilisation générale. Le 20 décembre, une fusillade éclate à l’aéroport de Mogadiscio, tuant un inspecteur de police.
Une centaine de soldats sont tués lors de combats entre les forces gouvernementales et les opposants au régime, qui ont désormais infiltré la capitale et ses banlieues.
Le 27 janvier 1991, les prennent le contrôle du palais présidentiel. Deux jours plus tard, le Congrès Uni Somalien (United Somali Congress) nomme Ali Mahdi Mohamed chef de l’Etat en remplacement de Siyaad Barre, en fuite pour le sud du pays Ali Mahdi, un Hawiyé du clan des Abgals, est préféré au général Aidid, du clan des Haber Guedir.
Au sein du pays, nationale est menacée par des combats entre les mouvements armés victorieux. Les seigneurs de guerre somaliens profitent de la présence d’une importante quantité d’armes dans la région à la suite du démantèlement simultané des armées de Mengistu Haile Mariam et Siyaad Barre.
Le 17 mai, dans la ville de Burao, le Mouvement National Somalien (Somalien National Mouvement), principal mouvement de guérilla nord (le Somaliland), décide de former un gouvernement indépendant. Ils nomment leur territoire « la République du Somaliland.[12]
2.3 Le Somaliland depuis son indépendance autoproclamée
Depuis lors, le Somaliland a fait des progrès notables pour établir la paix, la sécurité et la démocratie constitutionnelle à L’intérieur de ses frontières de fait. Des centaines de milliers de personnes déplacées et réfugiées sont rentrées chez elles. Des dizaines de milliers de mines antipersonnel ont été retirées et détruites, et les milices claniques ont été intégrées au sein de la police et des forces armées unifiées. Un système politique multipartite une succession d’élections concurrentielles ont fait du Somaliland une rareté dans la Corne de l’Afrique et le monde musulman.
En décembre 2005, le président Dahir Rayale Kahin a présenté la candidature du Somaliland au statut de membre de l’Union africaine (UA) Cette revendication du statut d’État repose d’une part sur le fait que ce territoire avait, pendant la période coloniale, un statut distinct de ce qui est depuis devenu la Somalie, et d’autre part sur son existence en tant qu’État souverain durant une courte période après son indépendance de la Grande-Bretagne en juin 1960. Après avoir délibérément formé une union avec la Somalie en vue d’atteindre le rêve irrédentiste d’une “Grande Somalie” le Somaliland recherche désormais la reconnaissance des frontières dont il a hérité au moment de l’indépendance. Malgré la crainte que cette reconnaissance pourrait mener à la fragmentation de ‘la Somalie et d’autres états membres de l’UA, une mission d’information de l’Union africaine en 2005 a conclu que la situation était suffisamment “unique et auto-justifiée dans l’histoire politique africaine” et que “cette affaire ne devrait pas mener à l’ouverture d’une boîte de Pandore” Sans commentaire, cette conclusion de la mission est une recommandation de la reconnaissance de l’indépendance du Somaliland.
Deux ans seulement après sa victoire contre le régime Barré, le MNS a remis le pouvoir à une administration civile, fait inhabituel pour un ancien mouvement rebelle Le nouveau gouvernement dispose de deux points forts: l’autorité de Mohamed Haji Ibrahim Egal, un politicien chevronné et ancien Premier ministre (7967-1969), et l’établissement d’une chambre haute ou chambre des anciens, le Guurti qui s’est avérée décisive dans la résolution de crises et la légitimation du gouvernement pendant les périodes difficiles.
Le référendum sur la constitution, qui a finalement eu lieu en 2001 après des années de marchandage entre le parlement et l’exécutif, a été largement perçu comme un vote sur l’indépendance puisque l’article 1er proclamait l’existence du Somaliland comme un “pays souverain et indépendant” Plus concrètement la constitution prévoyait un système de gouvernement présidentiel et une démocratie électorale multipartite ; suivant l’exemple du Nigeria, elle limitait le nombre de partis officiels à trois. La constitution conservait le Guurti en tant que chambre haute du Parlement ayant une responsabilité centrale en matière de paix et stabilité dans la République.
Conclusion et recommandation
Le premier paragraphe du préambule de la Charte de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) consacre le droit inaliénable des peuples à disposer de leur propre destiné et la résolution AHG (16-I) ide l’O.U.A fait état de l’engagement solennel de tous tes Etats membres à respecter les frontières existant au moment où ils ont accédé à l’indépendance. Cette position est réitérée par le principe du respect des frontières héritées de la colonisation comme stipule l’Acte Constitutif de l’Union Africaine dans son article 4.
A partir du constat que le Somaliland et ta République de Somalie ont été colonisés par différentes puissances colonisatrices en l’occurrence la Grande Bretagne et l’Italie respectivement, et que c’est après leurs indépendances séparées en 1960 que les deux pays ont souverainement décidé de s’unir dans leur élan de réunifier tout le peuple somali dans un seul Etat par une convention dument signée ratifiée par les deux Etats. Il est évident que le principe Pacta Sunt Servanda s’applique à eux dans ces circonstances. Mais à ce principe on peut opposer celui de Rebus sic stantibus qui est relatif au changement fondamental des circonstances qui ont fondé le Traité. Il est plausible que l’absence d’un gouvernement central capable de fonder l’effectivité de l’existence de l’Etat somalien, l’autre partie de la convention, est un changement fondamental de circonstance rendant caduque la convention, donc le principe Pacta Sunt Servanda à leurs égards. Il faut aussi constater que depuis l’indépendance autoproclamée du Somaliland le 18 mai 1991, et la stabilité subséquente ainsi que le système démocratique et le respect des droits humains dont les autorités du Somaliland ont faits preuve depuis l’indépendance autoproclamée, sont des facteurs qui militent en faveur de la reconnaissance de cet « Etat », et surtout la contribution que ce territoire une fois reconnu, peut apporter à la lutte contre le terrorisme, surtout ka piraterie maritime.
Le refus des Etats africains, soutenus par la communauté internationale, de reconnaître le Somaliland en tant qu’Etat indépendant est fondé sur le souci de ne pas encourager les velléités indépendantistes dans les Etats africains où ce risque existe. Cependant, cet argument ne tient plus avec la reconnaissance de l’indépendance du Sud du Soudan au détriment du principe qui gouverne l’apparition des Etats africains mentionné plus haut.
Partant de tout ce que nous venons de relater, il est évidant que le territoire du Somaliland est victime de l’hypocrisie ou de la négligence de la part de la communauté internationale qui frise l’injustice pour des raisons qui restent à expliquer. C’est pour cette raison que nous recommandons la reconnaissance de l’indépendance autoproclamée du Somaliland. En même temps nous demandons à la République de Guinée de s’impliquer dans cette voie conformément au rôle joué par elle dans le processus de décolonisation en Afrique d’une part et sa maîtrise du dossier pour eu deux représentants du Secrétaire Général de l’ONU en Somalie, Lansana KOUYATE et François Lonceny FALL, de l’autre. La diplomatie guinéenne peut jouer un rôle pionnier dans ce sens. C’est ce que nous souhaitons vivement.
Références
1. Bibliographie
- Patrick Daillier, Allain Pellet, Droit
International Public. Nguyen Quoc
Dinh, 6eme Edition, (1999)
- Martin Merdith, The State of
A history of fifty years of independence, (2006)
- Jean Bodin, Les six livres de la République (1576)
Les résolutions et conventions
- La résolution AHG (16-1) de l’O.U.A
- La Chartede1’O.U.A
2. Jurisprudence
· C.I.J (Chambre), arrêt du 11septembre 1992, Différend frontalier, terrestre ou insulaire
· Com. Arb. Yougo., avis n°l, 29 Nov 1992
· La sentence arbitrale du 31 juillet 1989, Détermination de la frontière maritime Guinée-Bissau/Senegal , RG.D.I.P.
3. Site Web
www.wikipedia.com
[1] Com. Arb. Yougo, avis n°1, 29 npov.1992, p.264
[2] Patrice Daillier, Allain Pellet, Droit international public, Nguyen Quoc Dinh, 6eme Edition (1999), p.403
[3] Ibid, p.419
[4] Selon la nation un organisme, géographie, mais encore d’une langue, goûts et de caractères communs testé à l’histoire comme marquant l’attachement à une culture.
[5] Dans « qu’est-ce qu’une nation ? » alors qu’intellectuels et hommes politique allemandes et français se disputeraient autour de l’idée de « nation », Renan prononce, le 11 mars 1882, un discours qui fait date. Réfutant l’ethnographique de l’unité nationale ct du « génie » des allemands, il oppose une représentation historique, spirituelle et communautaire ou domine le principe d’adhésion volontaire qui marque le désir clairement affirmé d’une communauté citoyenne de vivre ensemble. Pour lui, la nation « est un plébiscite de tous les jours comme l’existence de l’individu est une affirmation perpétuelle de vie » « Une nation est une âme, un principe spirituel (…), c’est l’aboutissement d’un long passé d’efforts, de sacrifices et de dévouement ; avoir des gloires communes dans le passé, une volonté commune dans le présent, avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà la question essentielle pour être un peuple
[6] Voir note de bas de page n°2, p.512.
[7] Martin Merdith, The State of Afrique. A history of fifty years of independence, (2006), p.2.
[8] Compte tenu du caractère arbitraire des frontières héritées de la colonisation
[9] Le principe est né de la pratique des anciennes colonies espagnoles de l’Amérique latine. D’où son intitulé Uti possidetis juris de 1810. Les Etats intéressés décidèrent de fixer leurs frontières en respectant les limites administratives existant en cette date entre les colonies. Dès lors le jus en question n’est le droit international mais le droit constitutionnel ou du souverain avant l’indépendance. Voir C.I.J (Chambre), arrêt du 11 septembre 1992, Différend frontalier, terrestre ou insulaire. Rec.P.558.
[10] Les problèmes des frontières, l’OUA a été appelée à s’intéresser à toute une série de problèmes frontaliers entre les Etats africains, c’est la raison pour laquelle la conférence a tenu à préciser le sens de l’article III 3 de la Charte (Le respect de la souveraineté et l’intégrité territoriale de chaque Etat) ; « déclare solennellement que tous les Etats membres s’engagent à respecter les frontières existant au moment où ils ont accédé à l’independece, »
[11] La sentence arbitrale du 31 juillet 1989, Détermination de la frontière maritime Guinée-Bissau & Sénégal, R.G.D.I.P, p.251.Voir aussi résolution AHG (16-I)
[12] www.wikipedia.org (consulté le 6/6/2016)