ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
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COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
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Deuxième chambre
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Audience publique du 12 Juin 2013
Pourvoi : n°026/2009/PC du 12 mars 2009.
Affaire : Banque Sénégalo Tunisienne devenue CBAO Groupe Attijariwafa Bank, S.A (Conseils : SCPA NAFY & SOULEY, Avocats à la Cour)
Contre :
- Oumou Salamata T
- Habibou D (Conseils : SCPA TALL et Associés)
- Les héritiers de feu Moctar DIALLO
- Bathie Guèye, Commerçant (Conseil : Maître Ibrahima DIOP Avocat à la Cour)
ARRET N°052/2013 du 12 Juin 2013
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 12 juin 2013 où étaient présents :
- Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE, Président
- Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
- Francisco Namuano DIAS GOMES, Juge , rapporteur
- Victoriano OBIANG ABOGO, Juge
- Mamadou DEME, Juge
- et Maître BADO Koessy Alfred, Greffier,
Sur pourvoi, enregistré au greffe de la Cour de céans le 12 mars 2009 sous le n°026/2009/PC et formé par la SCPA NAFY & SOULEY, Avocats à la Cour, 5 Rue Calmette X Amadou Assane NDOYE, Dakar (Sénégal), et agissant au nom et pour le compte de la Banque Sénégalo Tunisienne devenue la Compagnie Bancaire de l’Afrique Occidentale dite CBAO Groupe Attijariwafa Bank, S.A., aux poursuites et diligences de son Président
Directeur General, dans la cause qui l’oppose à Monsieur Habibou D et Madame Oumou Salamata T, ayant tous pour Conseils la SCPA TALL et Associés, Avocats à la Cour, demeurant Avenue Lamine GUEYE X, Rue Emile Zola à Dakar, Les héritiers de Feu Moctar D et Monsieur Bathie G, ayant pour Conseil Maître Ibrahima DIOP, Avocat à la Cour, demeurant, 127, Avenue Lamine G X, Félix Faure, Dakar (Sénégal), en cassation de l’Arrêt n°177 rendu le 10 mars 2008 par la quatrième Chambre civile et commerciale de la Cour d’appel de Dakar dont le dispositif est le suivant : « Statuant publiquement, contradictoirement et en matière de saisie immobilière et en dernier ressort ;
En la forme
Déclare les appels principaux et incidents recevables ;
Au fond
Confirme le jugement en ce qu’il a annulé la procédure pour ce qui concerne le droit au bail et les peines et soins édifiés sur le TF N°19208/DG devenu le TF N°7052/GRD ;
Infirmant partiellement et statuant à nouveau ;
Annule le cahier de charges en application de l’article 267 AUPSRVE et ordonne en conséquence la discontinuation de la procédure sur les immeubles objets des titres fonciers N°10042/DG et le TF N°22231/DG devenu le TF N°7053/GRD » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’entre le 02 novembre 1999 et le 22 avril 2002 par divers actes notariés, la Banque Sénégalo Tunisienne dite BST avait consenti à dame Oumou Salamata TALL des ouvertures de crédits de 70.000.000 FCFA, 160.000.000 FCA et 30.000.000 FCFA ; qu’à ces grosses d’ouverture de crédit ont été affectés en garantie les titres fonciers N°10042/DG, N°22231/DG devenu TF 7053/GRD et N°19208/DG devenu TF 7052/GRD aux noms de Moctar D et Habibou D; qu’à l’arrivée de l’échéance, dame Oumou Salamata ayant été défaillante, la banque BST engagea la procédure de réalisation des dites garanties ;
A l’audience éventuelle du 06 février 2007, seul le sieur Habibou D dépose des dires pour invoquer la nullité :
- des poursuites dirigées sur le droit au bail inscrit à son profit le 19 mai 1979 et approuvé le 09 novembre 1997 au motif que le droit au bail ne peut faire l’objet d’un nantissement ;
- de la saisie pour violation de l’article 251 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées et des voies d’exécution ;
- du cahier des charges, en ce que ledit document indique que le droit au bail inscrit au profit du sieur Habibou D est grevé d’une hypothèque conventionnelle et non d’un nantissement ;
Que le sieur Bathie G, est intervenu dans la cause pour solliciter à titre principal le sursis à statuer et subsidiairement la distraction de la vente du droit au bail et des peines et soins édifiés sur le titre foncier 19208/DG devenu TF N° 7052/GRD, soutenant qu’il avait acheté, par acte de cession dressé par Maître Amadou Moustapha NDOYE le 4 juillet 1994 et le 13 janvier 1995, ce droit qui appartenait au sieur Habibou DATT;
Que statuant sur ces contestations, le Tribunal a, le 06 février 2007, rejeté celles de Bathie G, annulé la procédure pour ce qui concerne le droit au bail et les peines et soins édifiés sur le titre foncier N°19208/DG devenu TF 7052/GRD et ordonné la continuation de la procédure sur les immeubles objets des titres fonciers numéro 10042/DG et N° 22231/DG devenu TF 7053/GRD ; que la BST, le sieur Bathie G, dame Oumou Salamata T et les héritiers de feu Moctar D ont tous relevé appel dudit jugement ;
Que le 10 mars 2008, la Cour d’appel a rendu l’arrêt précité dont le dispositif est reproduit in supra, arrêt dont pourvoi ;
Sur la recevabilité du pourvoi
Attendu que Habibou D et Oumou Salamata T soulèvent l’irrecevabilité du pourvoi en cassation au motif que l’arrêt attaqué est devenu définitif et ne peut plus être remis en cause par la voie d’un recours extraordinaire, faute pour la BST devenue Groupe Attijariwafa Bank SA d’avoir signifié le recours aux héritiers de Feu Moctar D, empêchant ainsi la Cour de céans d’apprécier un quelconque moyen du présent pourvoi ;
Attendu que la non signification du pourvoi aux héritiers de Feu Moctar D ne rend pas l’arrêt de la Cour d’appel définitif pas plus qu’il ne le fait entrer dans l’ordonnancement juridique de la République du Sénégal ; qu’en conséquence le présent pourvoi est recevable ;
1- Sur le moyen pris de la violation des articles 267 et 251 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE)
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt de la Cour d’appel, d’avoir annulé le cahier des charges, en violation des articles 267 et 251 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, alors qu’il ne manque aucune mention obligatoire et que l’immeuble objet du TF N°19208/DG devenu TF 7052/GRD, a été effectivement donné en garantie à la BST ;
Attendu que la Cour d’appel pour conclure à la nullité du cahier des charges a motivé « que le juge n’a pas tiré les conséquences de l’article 267 de l’AUPSRVE qui sanctionne de nullité le cahier des charges qui ne contient pas toutes les données de la procédure dans leurs exactitudes ;
que le cahier des charges mentionne bien le nantissement illégal… » ;
Mais attendu qu’aux termes de l’article 267 AUPSRVE « Le cahier des charges contient, à peine de nullité :
1) l’intitulé de l’acte ;
2) L’énonciation du titre exécutoire en vertu duquel les poursuites sont exercées contre le débiteur et du commandement avec la mention de sa publication ainsi que les autres actes et décisions judiciaires intervenus postérieurement au commandement et qui ont été notifiés au créancier poursuivant ;
3) L’indication de la juridiction ou du notaire convenu entre le poursuivant et le saisi devant qui l’adjudication est poursuivie ;
4) L’indication du lieu où se tiendra l’audience éventuelle prévue par l’article 270 ci-après ;
5) Les noms, prénoms, profession, nationalité, date de naissance et domicile du créancier poursuivant ;
6) les nom, qualité et adresse de l’avocat du poursuivant ;
7) la désignation de l’immeuble saisi contenue dans le commandement ou le procès-verbal de description dressé par l’huissier ou l’agent de l’exécution ;
8) les conditions de la vente et, notamment, les droits et obligations des vendeurs et adjudicataires, le rappel des frais de poursuite et toute condition particulière ;
9) le lotissement s’il y a lieu ;
10) la mise a prix fixée par le poursuivant, laquelle ne peut être inférieure au quart de la valeur vénale de l’immeuble…» ; qu’il ressort qu’en l’espèce le cahier des charges déposé par la BST devenue CBAO Groupe Attijariwafa Bank, S.A contient toutes les mentions prescrites à peine de nullité ; qu’il échet donc de casser l’arrêt déféré et d’évoquer sans qu’il soit besoin d’analyser les autres moyens.
Sur l’évocation
Attendu que suivant exploit en date des 26, 27 et 28 février 2007, la Banque Sénégalo Tunisienne-CBAO a interjeté appel du Jugement n°226 rendu le 06 février 2007 par le Tribunal régional de Dakar ; que suivant exploit de Me Assane DIENE, Huissier de Justice à Dakar, Bathie G, a interjeté appel dudit jugement ; qu’enfin suivant exploit en date du 05 mars 2007 de Maître Malick SEYE FALL, Huissier de Justice à Dakar, Oumou Salamata T et Moctar D, ont interjeté appel du même jugement ; que la Cour a ordonné la jonction de ces trois procédures pour être statué en un seul et même arrêt;
Attendu que Oumou Salamata T et les héritiers de Moctar D soutiennent, comme en première instance, que la BST a poursuivi la vente en se fondant sur un acte d’ouverture de crédit passé le 02 août 2000 par Maître Nafissatou Diouf WADE, notaire, avec un nantissement conventionnel de Habibou D inscrit sur le droit au bail ; que toutefois, le droit au bail ne peut faire l’objet d’un nantissement, sûreté qui ne s’applique qu’aux meubles ; que le droit au bail dont le nantissement est possible est celui prévu par un élément du fonds de commerce comme le prévoit l’article 69-1 de l’Acte uniforme sur les sûretés (AUS) ; que donc la garantie souscrite est en conséquence nulle et de nul effet et la vente doit être annulée ; que cette nullité découle de l’article 251 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE) et doit s’étendre à l’ensemble des immeubles ; que le cahier des charges qui comporte ces mentions doit être en conséquence annulé ;
Attendu que Bathie GUEYE pour conclure au sursis à la vente du TF N°19208/DG devenu le TF N° 7052/GRD ou à titre subsidiaire à la distraction de ce bien de la vente, a exposé qu’il avait acheté, par acte notarié le 4 juillet 1994 et le 13 janvier 1995, le droit au bail étendu aux peines et soins inscrit sur ledit titre foncier qui appartenait au sieur Habibou D ; que le vendeur a profité du retard apporté par le notaire pour obtenir le transfert du droit au bail à son nom pour consentir frauduleusement des nantissements au profit de la BST en garantie du remboursement des dettes de dame Oumou Salamata TALL ; que quand la BST a commencé à réaliser ses garanties, il a porté plainte contre sieur D et a déposé des dires pour obtenir le sursis sur le fondement des articles 308 et 310 de l’AUPSRVE, 69.3 de l’AUS en application de la règle « le criminel tient le civil en l’état » ; qu’il sollicite en conséquence une infirmation du jugement de ce chef ;
Attendu qu’en réponse la BST-CBAO, créancière poursuivante, a fait valoir que la validité d’une sûreté tient non pas au nom sous lequel elle est enregistrée mais plutôt au respect des conditions de fond et de forme requises par la loi ; qu’elle déclare que la garantie offerte par le sieur DATT a satisfait à ces exigences ; que le terme de nantissement a toujours été utilisé dans l’ancien code de procédure civile pour désigner une sûreté réalisée sur des impenses ou des peines et soins ; qu’aujourd’hui il désigne une garantie inscrite sur le droit au bail ; que le fait de mentionner sur l’acte qu’il s’agit d’un nantissement, ne le rendait pas nul, puisque le juge a la possibilité de restituer à l’acte sa véritable qualification ; que sur la demande de sursis et de distraction, elle fait valoir les dispositions de l’article 381 alinéa 1 du Code des Obligations Civiles et Commerciales de Sénégal (COCC) en soutenant que l’acquisition du droit réel résulte de la mention au livre foncier du nom du nouveau titulaire ; qu’ainsi c’est à tort que le premier juge a annulé la procédure ; qu’elle demande en conséquence 1’infirmation du jugement querellé sur ce point ;
Sur le sursis et la distraction
Attendu que Bathie G fonde sa réclamation exclusivement sur la vente ; alors qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’aucune mention de cette vente ne figure sur le livre foncier ; que le sieur Bathie G n’ayant donc pas acquis la propriété au sens de l’article 381 alinéa 1 du Code des Obligations Civiles et Commerciales de Sénégal, ne peut prospérer en sa demande ;
Sur l’annulation de la procédure tirée de la nullité du cahier des charges.
Attendu qu’il est prétendu que le cahier des charges qui porte la mention « nantissement » au lieu d’« hypothèque » doit être annulé et que cette annulation doit entraîner celle de la procédure ;
Mais attendu qu’aux termes de l’article 99 du COCC du Sénégal « Par-delà la lettre du contrat, le juge doit rechercher la commune intention des parties pour qualifier le contrat et en déterminer les effets » ; qu’en l’espèce il est manifeste que l’intention des parties était de constituer un cautionnement hypothécaire et non un nantissement ; que la simple erreur dans la formulation ne peut entraîner ni l’annulation de la convention ni celle du cahier des charges ; qu’il échet donc de rejeter la requête ;
Attendu que la procédure est régulière ; qu’il échet d’infirmer partiellement le jugement entrepris, en ordonnant la continuation des poursuites sur les TF N°19208/DG devenu le TF N°7052/GRD ;
Attendu que Oumou Salamata TALL, Habibou DATT, les héritiers de Moctar D et Bathie G ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’arrêt attaqué ;
Évoquant et statuant à nouveau,
En la forme
Déclare les appels principaux et incidents recevables ;
Au fond
Confirme le jugement entrepris relativement au sursis, à la distraction et à la continuation de la procédure sur les immeubles objets des titres fonciers N°10042/DG et le TF N°22231/DG devenu le TF N°7053/GRD ;
L’infirme pour le surplus et statuant à nouveau,
Ordonne la continuation des poursuites sur le droit au bail et les peines et soins édifiés sur le TF N°19208/DG devenu le TF N°7052/GRD;
Et, condamne Oumou Salamata TALL, Habibou DATT, les héritiers de Moctar DIALLO et Bathie GUEYE aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président Le Greffier en chef