

ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
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COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
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Troisième chambre
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Audience publique du 27 juin 2019
Pourvoi : n° 188/2018/PC du 25/07/2018
Affaire :
Société Arab Contractors Côte d’Ivoire (Conseils : SCPA KONAN-LOAN, Avocats à la Cour)
Contre :
Société Ivoirienne de Confection et d’Ameublement dite SCIA-CI
Arrêt N° 212/2019 du 27 juin 2019
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 27 juin 2019 où étaient présents :
Messieurs Djimasna N’DONINGAR, Président, Rapporteur
Fodé KANTE, Juge
Armand Claude DEMBA, Juge
et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 25 juillet 2018 sous le n°188/2018/PC et formé par la SCPA KONAN-LOAN, Avocats à la Cour, demeurant à Abidjan Cocody Les II Plateaux, agissant au nom et pour le compte de la société Arab Contractors Côte d’Ivoire dite AC-CI, S.A. ayant son siège à Abidjan Plateau, Immeuble Corniche, 3ème étage, dans la cause qui l’oppose à la Société Ivoirienne de Confection et d’Ameublement de Côte d’Ivoire dite SCIACI, S.A.R.L dont le siège social est à Abidjan Yopougon, quartier SOPIM ;
En cassation de l’arrêt n°352 rendu le 13 avril 2018 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant : « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
- Déclare recevable l’appel de la Société Ivoirienne de Confection et d’Ameublement de Côte d’Ivoire dite SCIA-CI ;
- Reformant le jugement querellé ;
- Condamne la société ARAB CONTRACTORS dite AC-CI à payer à la SCIA-CI la somme de 164.692.830 FCFA au titre de reliquat du coût de ses prestations ;
- Confirme pour le surplus ;
- Condamne l’intimée aux dépens. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Djimasna N’DONINGAR, Second Vice-Président ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que, suite à une requête aux fins d’injonction de payer présentée par la société SCIA-CI , le Président du Tribunal de Commerce d’Abidjan enjoignait à la société Arab Contractors Côte d’Ivoire de payer à la requérante la somme de 164.584.445 F CFA, par ordonnance n°3166/2016 du 26 septembre 2016 ; que l’opposition formée par Arab Contractors Côte d’Ivoire aboutissait au débouté de la SCIA-CI, par Jugement n°3740/16 rendu le 16 février 2017 par le Tribunal de Commerce d’Abidjan ; que sur appel interjeté par SCIA-CI, la Cour d’Abidjan rendait l’Arrêt infirmatif n°352 en date du 13 avril 2018 dont pourvoi ;
Attendu que suivant courrier n°1231/2018/G4 en date du 18 octobre 2018, le greffier en chef de la Cour de céans a signifié le recours à la SCIA-CI ; que cette correspondance, expédiée par le canal de la Poste, est revenue avec la mention : « Non réclamé. Retour à l’envoyeur » ; que le principe du contradictoire ayant ainsi été respecté, il convient d’examiner l’affaire ;
Sur le deuxième moyen, tiré du défaut de base légale résultant de l’insuffisance de motifs
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt déféré de manquer de base légale, en ce qu’il a justifié le caractère certain, liquide et exigible de la créance de la société SCIA-CI en se basant sur la différence entre le montant inscrit sur l’attestation de bonne fin des travaux délivrée par la société Arab Contractors et les sommes que la SCIA-CI a effectivement perçues dans le cadre du marché conclu entre les deux parties alors, selon le moyen, qu’une attestation de bonne exécution ne constitue ni une facture, ni une reconnaissance de dette et le montant global de somme d’argent y figurant ne peut représenter une créance certaine, liquide et exigible ; que, ce faisant, la Cour d’appel a manqué de donner une base légale à sa décision ;
Attendu qu’aux termes de l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’Exécution, « le recouvrement d’une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer » ; que l’article 13 du même Acte uniforme précise que « celui qui a demandé la décision d’injonction de payer supporte la charge de la preuve de sa créance » ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier que le contrat en vertu duquel les paiements litigieux sont effectués est un « marché à prix unitaire » où le prestataire est payé au regard des quantités exactes qu’il réalise ; qu’il en résulte que le montant global d’un tel contrat n’est qu’indicatif et ne peut être considéré comme automatiquement acquis au prestataire ;
Attendu que, pour caractériser le caractère certain et liquide de la créance litigieuse, la Cour d’appel a retenu que « sur l’attestation de bonne exécution délivrée par l’intimée, est mentionné des travaux d’un montant de 263.692.830 FCFA » ; et qu’il « ressort des pièces produites par la société Arab Contractors (…) qu’elle lui a versé la somme totale de 98.492.731 FCFA, qui constitue une partie du montant total ; il convient dès lors de la condamner au paiement du reliquat d’un montant de 164.692.830 FCFA » ; qu’en statuant ainsi par simple soustraction entre le montant du marché et les factures payées, sans rechercher les quantités réelles des prestations réalisées par la SCIA-CI conformément au bordereau des prix dudit contrat, s’agissant d’un marché à prix unitaire, la Cour d’Appel n’a pas donné une base légale à sa décision, relativement à la certitude de la créance ; qu’il échet de casser la décision attaquée et d’évoquer, sans qu’il soit nécessaire d’analyser l’autre moyen ;
Sur l’évocation
Attendu que, par exploit en date du 13 mars 2017, la société SCIA-CI relevait appel du jugement n°3740/16 rendu le 16 février 2017 par le Tribunal de Commerce d’Abidjan dont le dispositif est ainsi conçu : « Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort ;
- Rejette l’exception d’irrecevabilité pour cause de déchéance soulevée par la société SCIA-CI ;
- Déclare la société AC-CI recevable en son opposition ;
- L’y dit fondée ;
- Dit que la procédure d’injonction de payer est inappropriée pour le recouvrement de la créance alléguée par la société SCIA-CI à son encontre ;
- Déboute la société SCIA-CI de sa demande en recouvrement de la créance de 164.584.445 FCFA ;
- Condamne la société SCIA-CI aux dépens. » ;
Qu’elle fait grief au jugement querellé de l’avoir déboutée de son recouvrement de créance par la procédure d’injonction de payer, au motif que les conditions de certitude, de liquidité et d’exigibilité de la créance ne sont pas remplies ; qu’elle expose avoir conclu un contrat avec la société Arab Contractors pour des travaux de démolition des bâtiments fret de l’aéroport international d’Abidjan, pour un montant de 263.692.330 FCFA ; qu’elle a rempli ses obligations et a ainsi obtenu de son cocontractant une attestation de bonne exécution des travaux, délivrée le 25 mai 2016 ; que cependant la société Arab Contractors refuse de payer le reliquat dû, soit la somme de 164.692.830 FCFA ; qu’elle conclut que c’est à tort que le tribunal, en la déboutant, a fait droit à cette remise en cause de l’ordonnance d’injonction de payer ;
Attendu que la société Arab Contractors, en réplique, conclut à la confirmation du jugement attaqué ; qu’elle soutient que la créance en cause ne remplissait pas la condition de certitude pour être recouvrée par la procédure d’injonction de payer, telle que prescrite par l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu que, pour les mêmes motifs que ceux développés lors de l’examen du moyen de cassation, tirés du défaut de certitude de la créance, il y a lieu, pour la Cour de céans, de confirmer le jugement n°3740/16 rendu sur opposition à ordonnance d’injonction de payer le 16 février 2017 par le Tribunal de Commerce d’Abidjan en toutes ses dispositions ;
Sur les dépens
Attendu que la Société Ivoirienne de Confection et d’Ameublement de Côte d’Ivoire dite SCIA-CI ayant succombé, sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
Casse l’arrêt n°352 rendu le 13 avril 2018 par la Cour d’appel d’Abidjan ;
Evoquant et statuant sur le fond :
Confirme en toutes ses dispositions le jugement n°3740/16 rendu le 16 février 2017 par le Tribunal de Commerce d’Abidjan ;
Condamne la Société Ivoirienne de Confection et d’Ameublement de Côte d’Ivoire dite SCIA-CI aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président Le Greffier