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Cour Constitutionnelle, Arrêt N° AC 007 du 11 Avril 2019

January 24, 2020felixleno
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REPUBLIQUE DE GUINEE
Travail – Justice – Solidarité


COUR CONSTITUTIONNELLE

Assemblée plénière

 Arrêt N° AC 007 du 11 AVRIL 2019

Audience plénière

 

AFFAIRE
Contrôle de conformité – Exception d’inconstitutionnalité de l’article 31 de la loi L/2016/037/AN du 26 juillet 2016 relative à la cyber-sécurité et la protection des données à caractère personnel.

DEMANDEUR
Tribunal de Première Instance de Conakry lll (Mafanco)

NATURE
Constitutionnelle

DECISION
Voir dispositif

 

AU NOM DU PEUPLE DE GUINEE

La Cour Constitutionnelle, en son audience plénière non publique du 11 avril 2019 à laquelle siégeaient :

  • Monsieur Mohamed Lamine BANGOURA : Président ;
  • Monsieur Mamadou Mountaga BAH : Conseiller, Rapporteur ;
  • Madame Fatoumata MORGANE : Conseillère ;
  • Monsieur Ahmed Therna SANOH : Conseiller ;
  • Monsieur Ansoumane SACKO : Conseiller ;

Avec l’assistance de Maître Lanciné Kanko KOUROUMA, Greffier ;

A rendu l’Arrêt dont la teneur suit :

Sur le renvoi par le Tribunal de Première Instance de Conakry ‘II (Mafanco) par jugement avant dire droit N 0 067 du 04 mars 2019 de l’exception d’inconstitutionnalité de l’article 31 de la loi L/2016/037/AN du 26 juillet 2016 portant sur la cyber-sécurité, soulevée par Maître Lanciné SYLLA, Avocat à la Cour pour le compte de Monsieur Cheick Ahmed FOFANA alias Cheik Affane, Enseignant ;

Vu la Constitution ;

Vu la loi organique L/2011/006/CNT du 10 mars 2011 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle ;

Vu la loi L/ 2016/037/AN du 26 juillet 2016 portant sur la cyber-sécurité et la protection des données à caractère personnel ;

Vu le jugement avant dire droit n 0 067 du 04 mars 2019 enregistré au Greffe de la Cour le 27 mars 2019 sous le numéro 005, par lequel le Tribunal de Première Instance de Conakry III (Mafanco) saisit la Cour Constitutionnelle pour le contrôle de constitutionnalité de l’article susvisé,

Vu les pièces du dossier ;

Ouï Monsieur Mamadou Mountaga BAH, en son rapport ;

EN LA FORME :

1.Considérant que l’article 96 al. 4 et 5 de la Constitution disposent respectivement : « Tout plaideur peut soulever l’exception d’inconstitutionnalité d’une loi devant toute juridiction » ; « La juridiction saisie sursoie à statuer et renvoie l’exception devant la Cour constitutionnelle. Dans ce cas, la Cour Constitutionnelle statue dans les quinze (15) jours de sa saisine » ;

2. Considérant qu’en vertu des dispositions des articles 18 et 41 de la loi organique L/2011/006/CNT du 10 Mars 2011 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, il appartient à la Cour Constitutionnelle de statuer sur : « …l’exception d’inconstitutionnalité soulevée devant les juridictions… » que « la Cour Constitutionnelle peut être saisie par «…la juridiction devant laquelle une exception d’inconstitutionnalité est soulevée » ; qu’en l’espèce, la Cour est saisie par le Tribunal de Première Instance de Conakry III (Mafanco) suite à l’exception d’inconstitutionnalité qui y a été soulevée ; qu’il y a lieu dès lors de déclarer la requête recevable ;

AU FOND :

3. Considérant qu’à l’audience du 25 février 2019, Monsieur Cheick Ahmed AFFAN a soulevé in limine litis, une exception d’inconstitutionnalité de l’article 31 de la loi L/2016/037/AN du 26 juillet 2016 relative à la cyber-sécurité et la protection des données à caractère personnel au motif que l’article susvisé en disposant que « La production, la diffusion, la mise à disposition d’autrui des données de nature à troubler l’ordre ou la sécurité publics ou à porter atteinte à la dignité humaine par le bais d’un système informatique, se rend coupable de délit, et sera puni par la loi » est inconstitutionnel ; que l’article 31 de la loi susvisée est contra ire à la liberté d’expression et d’opinion consacrée par l’article 7 de la Constitution ; que le même article est contraire aux articles 9 et 72 de la Constitution au motif que « le législateur n’a pas défini les notions de trouble à l’ordre ou la sécurité publics et d’atteinte à la dignité humaine » ; que dès lors, la définition du délit prévu à l’article 31 comme éléments constitutifs, constitue une porte ouverte à l’arbitraire du juge d’autant plus que celui-ci sera amené à définir les éléments constitutifs d’une infraction en lieu et place du législateur ;

A- DE L’INCONSTITUTIONNALITE DE L’ARTICLE 31 DE LA LOI L/2016/037/AN DU 26 JUILLET 2016 RELATIVE A LA CYBER-SECURITE ET LA PROTECTION DES DONNEES A CARACTERE PERSONNEL AU REGARD DE L’ARTICLE 7 DE LA CONSTITUTION :

4. Considérant qu’en vertu de l’article 62 al. 5 de la loi organique L/2011/006/CNT du 10 Mars 2011, « … la Cour Constitutionnelle peut interpréter le contenu même d’une loi ; lorsque notamment cette dernière est attaquée devant elle. Une telle interprétation intervient dans l’intérêt de la sauvegarde de la loi en vue de garantir aux juridictions nationales et aux organes de l’Etat une application conforme à [a Constitution ».

5. Considérant que l’article 7 de la Constitution dispose : « Chacun est libre de croire, de penser et de professer sa foi religieuse, ses opinions politiques et philosophiques.

Il est libre d’exprimer, de manifester et de diffuser ses idées et opinions par la parole, l’écrit et l’image.

Il est libre de s’instruire et de s’informer aux sources accessibles à tous… » ;

6. Considérant que l’article 24 al. 1 et 2 de la Constitution dispose que : « La loi garantit à tous l’exercice des libertés et des droits fondamentaux. Elle détermine les conditions dans lesquelles ils s’exercent.

Elle ne peut fixer de limites à ces libertés et à ces droits que celles qui sont indispensables au maintien de l’ordre public et de la démocratie » ; que ces dispositions déterminent les conditions dans lesquelles s’exercent les libertés d’expression et d’opinion consacrées à l’article 7 de la Constitution ; que certes, la liberté d’expression et d’opinion est l’un des fondements essentiels d’une société démocratique ; que cependant l’exercice de cette liberté peut être soumis à certaines conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires au maintien de l’ordre public, à l’intégrité territoriale, à la prévention du crime, à la préservation des atteintes à la dignité humaine par le bais d’un système informatique, … ; qu’en conséquence l’article 31 susvisé en disposant : « La production, la diffusion, la mise à disposition d’autrui des données de nature à troubler l’ordre ou la sécurité publics ou à porter atteinte à la dignité humaine par le bais d’un système informatique, se rend coupable de délit, et sera puni par la loi)), obéit limitations à valeur constitutionnelle ;

7. Considérant par ailleurs que le principe de conciliation de la liberté d’expression avec d’autres exigences constitutionnelles est l’une des mesures nécessaires dans un Etat de droit ; que chaque citoyen peut produire, diffuser, mettre à disposition d’autrui des données par le bais d’un système informatique dans les limites légales de la préservation de l’ordre public et du respect de la dignité humaine ; que dès lors l’article 31 de la loi sur la cyber-sécurité ne fait nullement obstacle à l’exercice des droits consacrés par les dispositions de l’article 7 de la Constitution ;

B- DE L’INCONSTITUTIONNALITE DE L’ARTICLE 31 DE LA LOI L/2016/037/AN DU 26 JUILLET 2016 RELATIVE A LA CYBER-SECURITE ET LA PROTECTION DES DONNEES A CARACTERE PERSONNEL AU REGARD DES ARTICLES 9 ET 72 DE LA CONSTITUTION :

8. Considérant que l’article 9 al. 1 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être arrêté, détenu ou condamné qu’en vertu d’une loi promulguée antérieurement aux faits qui lui sont reprochés, pour les motifs et dans les formes prévues par la loi » ; que l’article 72 at. 1 et 2 de la Constitution dispose : « Sous réserve des dispositions de l’article 51, l’Assemblée Nationale vote seule la loi et contrôle l’action gouvernementale ».

« La Loi fixe les règles concernant :

  • les garanties des libertés, des droits fondamentaux, les conditions dans lesquelles ils s’exercent et les limitations qui peuvent y être portées ;
  • la détermination des infractions, les peines qui leur sont applicables, la procédure pénale, …» ;

9. Considérant que le requérant soulève l’exception d’inconstitutionnalité de l’article 31 de la loi L/2016/037/AN du 26 juillet 2016 relative à la cyber-sécurité et la protection des données à caractère personnel au regard des articles susvisés de la Constitution au motif que « le législateur n’a pas défini les notions de trouble à l’ordre ou la sécurité publics et d’atteinte à la dignité humaine » ;

10. Considérant que la notion d’ordre public est d’abord, une notion d’ordre constitutionnel et qu’il relève aussi du législateur de concilier la sauvegarde de l’ordre public avec le respect des libertés ; que conformément à l’article 3 al. 3 de la Constitution, le respect de l’ordre public est un principe d’ordre constitutionnel au même titre que le respect des principes de la souveraineté nationale, de la démocratie et de l’intégrité du territoire ; que le législateur conformément à l’article 2 al. 2 de la loi N O/2015/009/AN portant maintien de l’ordre public a apporté la précision suivante : « le maintien de l’ordre public a pour objet de garantir les conditions d’une vie paisible des groupes et des individus, tout en conciliant l’expression de leurs droits avec le respect des intérêts de l’Etat » ; que l’article 31 incrimine de la loi L/2016/037/AN relative à la cybersécurité et la protection des données à caractère personnel fixe les limitations à observer dans le cyber-espace et vise également à lutter contre la cybercriminalité en créant ainsi un environnement favorable, propice et sécuritaire qui constitue un principe d’ordre constitutionnel; qu’il ressort de ces précisions légales que l’ordre public est d’intérêt général et repose sur la défense de diverses finalités fixées par les textes dont notamment, la tranquillité, la salubrité, le respect de la dignité humaine et l’ordre moral,

11. Considérant que l’article 5 de la Constitution dispose que : « la personne humaine et sa dignité sont sacrées. L’Etat a le devoir de les respecter et de les protéger …. » ; que par ailleurs la notion d’atteinte à la dignité humaine est définie à l’article 1 er point 11 de la Loi sur la cyber-sécurité et la protection des données à caractère personnel en ces termes : « toute atteinte hors les cas d’attentat à la vie, d’atteinte à [‘intégrité ou à la liberté qui a pour effet essentiel de traiter la personne humaine comme une chose, comme un animal, ou comme un être auquel serait dénie tout droit ; » ; que le même article dans son dernier alinéa précise : « pour les termes non définis par la présente loi, les définitions données par les instruments juridiques de la CEDEAO, de l’Union Africaine ou de l’Union Internationale des Télécommunication, prévalent sur toutes autres définitions ».

12. Considérant que les limitations prescrites par le législateur dans l’exercice des droits et libertés ne sont pas prohibés par la Constitution ; que l’article 31 de la loi L/ 2016/037/AN relative à la cyber-sécurité et la protection des données à caractère personnel tend à assurer le respect des principes constitutionnels de sauvegarde de l’ordre public et de la dignité de la personne humaine ; qu’au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de dire que l’article 31 incriminé n’est pas contraire à la Constitution.

PAR CES MOTIFS :

Dit que c’est à bon droit que le Tribunal de Première Instance de Conakry III (Mafanco) a décidé du sursis à statuer ;

Déclare recevable la saisine en exception d’inconstitutionnalité dudit Tribunal ;

Déclare mal fondée l’exception d’inconstitutionnalité soulevée ;

Déclare conforme à la Constitution l’article 31 contenu dans la loi L/2016/037/AN du 2 juillet juin 2016 relative à la cyber-sécurité et la protection des données à caractère personnel ;

Ordonne le renvoi de la cause devant le Tribunal de Première Instance de Conakry III (Mafanco) ;

Ordonne sa notification au Président de la République, au Président de l’Assemblée

Nationale, au Président audiencier et aux parties ;

Ordonne sa publication au Journal Officiel de la République ;

Ordonne sa transcription dans les registres à ce destinés

POUR EXPEDITION CONFORMEME A LA MINUTE 

Le Greffier                                                              Le President

Me Lanciné Kanko KOUROUMA                      Mohamed Lamine BANGOURA

     
 
         

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