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Cour Constitutionnelle, Arrêt N° AC 008 du 25 Avril 2019

January 24, 2020felixleno
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REPUBLIQUE DE GUINEE
Travail – Justice – Solidarité

COUR CONSTITUTIONNELLE

Assemblée plénière

Arrêt N° AC 008 du 25 AVRIL 2019

 

 

Audience plénière

AFFAIRE
Contrôle de conformité- Exception d’inconstitutionnalité de l’article 484 du code civil

DEMANDEUR
Tribunal de Première Instance de Conakry 2

NATURE
Constitutionnelle

DECISION
Voir dispositif

 

AU NOM DU PEUPLE DE GUINEE

La Cour Constitutionnelle, en son audience plénière non publique du 25 avril 2019 à laquelle siégeaient :

  • Monsieur Mohamed Lamine BANGOURA : Président ;
  • Monsieur Ansoumane SACKO : Conseiller, rapporteur ;
  • Monsieur Cécé THEA : Conseiller ;
  • Monsieur Mamadou Mountaga BAH : Conseiller ;
  • Madame Fatoumata MORGANE : Conseillère ;
  • Monsieur Ahmed Therna SANOH : Conseiller ;

Avec l’assistance de Maître Daye KABA, Greffier en Chef ;

A rendu l’Arrêt dont la teneur suit :

Sur renvoi, le Tribunal de Première Instance de Conakry 2 par jugement avant dire droit n 0 147 du 08/4/2019 a ordonné le sursis à statuer et renvoyer l’affaire devant la Cour Constitutionnelle en exception d’inconstitutionnalité de l’article 484 du code civil, soulevée par les demanderesses Madame Aissata S et Mlle Mafoudia S, toutes ayant pour conseil Maître Amadou Babahein CAMARA, Avocat à la Cour ;

Vu la Constitution ;

Vu la loi organique L/2011/006/CNT du 10 mars 2011 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle ;

Vu le Code civil ;

Vu le jugement avant dire droit n 0 147 du 08/4/2019 enregistré au Greffe de la Cour le 09 avril 2019 sous le numéro 005, par lequel le Tribunal de Première Instance de Conakry 2 saisit la Cour Constitutionnelle pour le contrôle de constitutionalité de l’article 484 du code civil,

Vu les pièces du dossier ;

Ouï Monsieur Ansoumane SACKO, en son rapport ;

EN LA FORME :

1.Considérant que l’article 96 de la Constitution dispose en ses alinéas 4 et 5 : « Tout plaideur peut soulever l’exception d’inconstitutionnalité d’une loi devant toute juridiction » ; « La juridiction saisie sursoie à statuer et renvoie l’exception devant la Cour constitutionnelle. Dans ce cas, la Cour Constitutionnelle statue dans les quinze (15) jours de sa saisine ».

2. Considérant qu’en vertu des dispositions des articles 18 et 41 de la loi organique L/2011/006/CNT du 10 Mars 2011, portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, il appartient à la Cour Constitutionnelle de statuer sur « …l’exception d’inconstitutionnalité soulevée devant les juridictions… » ; que « la Cour Constitutionnelle peut être saisie par : «…la juridiction devant laquelle une exception d’inconstitutionnalité est soulevée » ; qu’en l’espèce, le Tribunal de Première Instance de Conakry 2 dans son jugement N O 147 du 08/4/2019 a ordonné le sursis à statuer et renvoyer l’affaire devant la Cour Constitutionnelle en exception d’inconstitutionnalité de l’article 484 du code civil ; qu’il y a lieu dès lors de déclarer la requête recevable ;

AU FOND : 

3.Considérant que les demanderesses ont soulevé in limine litis l’exception d’inconstitutionnalité de l’article 484 du code civil au motif qu’en disposant que : « les droits légaux reconnus à la femme veuve sans enfant, dans la succession de son mari défunt, seront calculés par fraction de 5 années dans une union conjugale empreinte de dignité et de dévouement. Mais la somme des portions retenues pour la période globale considérée ne donnera lieu qu’à la moitié au plus du chiffre obtenu en nombre total d’enfants correspondants » viole le préambule et les articles 1er et 8 de la Constitution ; 

4. Considérant que l’article 62 al. 5 de la loi organique L/2011/006/CNT du 10 Mars 2011 dispose : «.la Cour Constitutionnelle peut interpréter le contenu même d’une loi ; lorsque notamment cette dernière est attaquée devant elle. Une telle interprétation intervient dans l’intérêt de la sauvegarde de la loi en vue de garantir aux juridictions nationales et aux organes de l’Etat une application conforme à la Constitution » ; qu’en vertu de cet article, la Cour est bien fondée à examiner le contenu de la disposition incriminée en vue de garantir son application uniforme ;

5. Considérant que le plaideur soutient que le préambule de la Constitution dispose : « …le peuple de Guinée,
Proclame son adhésion aux idéaux et principes, droits et devoirs établis dans la Charte de l’Organisation des Nations Unies, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, les Conventions et Pactes Internationaux relatifs aux Droits de l’Homme, l’Acte Constitutif de l’Union Africaine, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples et ses protocoles additionnels relatifs aux droits de la femme, ainsi que le traité révisé de la CEDEAO et ses protocoles sur la démocratie et la bonne gouvernance…. » ; que par ailleurs, les articles 1er et 8 de la Constitution disposent : « La Guinée est une République unitaire, indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race, d’ethnie, de sexe, de religion et d’opinion. ElIe respecte toutes les croyances… » ;

« Tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Les hommes et les femmes ont les mêmes droits.

Nul ne doit être privilégié ou désavantagé en raison de son sexe, de sa naissance, de sa race, e son ethnie, de sa langue, de ses croyances et de ses opinions politiques, philosophiques ou religieuses » ; que l’article 484 du code civil viole ces dispositions ;

6. Considérant qu’à l’examen, les deux articles suscités relatifs au principe d’égalité prohibent les privilèges et les désavantages fondés sur le sexe, la naissance, la race, l’ethnie, la langue, la religion, les croyances et les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ; que la différence de traitement selon le statut familial ou personnel n’est nullement visée par les articles invoqués par le plaideur ; qu’en l’espèce et sur le fondement de l’article 72 al. 2 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant…../es régimes matrimoniaux, les successions et les libéralités • . » ; que le législateur en édictant l’article 484 du code civil a voulu tenir compte de la situation particulière de la veuve sans enfant en lui accordant une part de la succession du défunt ; que le principe d’égalité devant la loi ne s’oppose , ni à ce que le législateur règle de façons différentes des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et dans l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; que dès lors, le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce qu’une loi établisse des règles non identiques à l’égard des veuves avec enfant et des veuves sans enfant se trouvant à ce titre dans des situations différentes ; que de surcroit, l’article 484 du code civil en fixant les droits légaux reconnus à la femme veuve et sans enfant dans la succession de son mari défunt se justifie par son objet de faire bénéficier à cette conjointe survivante, une protection qui fait d’elle l’un des principaux héritiers et vise à cet effet à lutter contre la discrimination dans la succession à l’égard de cette catégorie de femme veuve ayant vécu dans un lien de mariage empreint de dignité et de dévouement pendant des années ; que c’est à juste titre que le législateur a pris en compte la situation particulière de la veuve sans enfant, et mieux cette disposition répond à un souci de rationalité et de solidarité défini à l’article 18 de la Constitution qui indique que « Le mariage et la famille, qui constituent le fondement naturel de la vie en société, sont protégés et promus par l’Etat… » ;

7. Considérant par ailleurs, que toutes les conventions citées dans le préambule de la Constitution font ressortir les mêmes préoccupations de préservation et de protection des droits de la femme ; qu’en particulier, le Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux droits des femmes en son article 21 point 1 précise que « la veuve a le droit à une part équitable dans l’héritage des biens de son conjoint » ; que cette disposition s’applique aussi bien à la femme veuve avec enfant qu’à celle sans enfant ; qu’ainsi, les droits légaux de cette dernière dans la succession de son mari défunt prévus à l’article 484 du code civil doivent être appréciés en fonction de l’équité qui va au-delà de l’égalité ; qu’en conséquence, cette disposition ne porte pas atteinte aux conventions internationales auxquelles la Guinée est partie et n’est pas contraire à la Constitution.

PAR CES MOTIFS :

Dit que c’est à bon droit que le Tribunal de Première Instance de Conakry 2 a décidé du sursis à statuer ;

Déclare recevable la saisine en exception d’inconstitutionnalité Tribunal de Première Instance de Conakry 2 ;

Déclare mal fondée l’exception d’inconstitutionnalité soulevée ;

Déclare conforme à la Constitution l’article 484 du Code civil ;

Ordonne le renvoi de la cause devant le Tribunal de Première Instance de Conakry 2 ;

Ordonne la notification du présent Arrêt au Président de la République, au Président de l’Assemblée Nationale, à la Présidente audiencier et aux parties ;

Ordonne sa publication au Journal Officiel de la République ;

Ordonne sa transcription dans les registres à ce destinés ;

Ainsi fait et jugé, les jour, mois et an que dessus.

 

POUR EXPEDITION CONFORME A LA MINUTE

Le Greffier en Chef                                     Le Président

Me Daye KABA                                            Mohamed Lamine BANGOURA

     
 
         

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