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Cour Constitutionnelle, Arrêt N°AC 012 du 25 février 2020

September 15, 2020felixleno
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REPUBLIQUE DE GUINEE

Travail-Justice-Solidarité 

COUR CONSTITUTIONNELLE

Arrêt N° AC 012 du 25 février 2020

Audience plénière

 

 

 

 

AFFAIRE
Recours en annulation contre l’Ordonnance 2020/N 0 001/PRG/SGG du 29 janvier 2020 portant dispositions relatives au référendum ;


DEMANDEURS
Les sieurs Mamadou Cellou Dalein DIALLO, Bakary Goyo ZOUMANIGUI, Kalémoudou YANSSANE, Saikou Yaya BARRY, Fodé Oussou FOFANA et 38 autres, tous Députés à l’Assemblée Nationale, ayant pour conseils Me Alpha Yaya DRAME et Me Pépé Antoine LAMA, Avocats à la Cour ;

NATURE
Constitutionnelle

DECISION
Voir dispositif

 

AU NOM DU PEUPLE DE GUINEE

La Cour Constitutionnelle, en son audience plénière non publique du 25 février 2020 à laquelle siégeaient :

  • Monsieur Mohamed Lamine BANGOURA : Président ;
  • Monsieur Amadou DIALLO : Vice-président ;
  • Monsieur Ahmed Therna SANOH : Juge, Rapporteur ;
  • Monsieur Cécé THEA : Juge ;
  • Madame Rouguiatou BARRY : Juge ;
  • Monsieur Mamadou Mountaga BAH : Juge ;
  • Madame Fatoumata MORGANE : Juge ;
  • Monsieur Ansoumane SACKO : Juge,

 

Avec l’assistance de Maître Daye KABA, Greffier en Chef ;

A rendu l’Arrêt dont la teneur suit :

La Cour a été saisie par requête sans numéro du 13 février 2020, enregistrée au Greffe de la Cour le 14 février 2020, sous le N O 041/2020, par laquelle les sielgrs Mamadou Cellou Dalein DIALLO, Bakary Goyo ZOUMANIGUI, Kalemodou YANSANE, Saikou Yaya BARRY, Fodé Oussou FOFANA et 38 autres, tous députés à l’Assemblée Nationale, élisant domicile au Cabinet de leurs avocats sis au Cabinet au quartier Boussoura, Commune de Matam Conakry, demandent l’annulation de l’ordonnance 2020/N O 001/PRG/SGG du 29 janvier 2020 portant dispositions relatives au référendum ;

Vu la Constitution ;

Vu la Loi Organique L/2011/006/CNT du 10 mars 2011 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle ;

Vu la Loi L/2019/055/AN du 30 décembre 2019 portant habilitation du Président de la République à prendre, par ordonnance des mesures relevant du domaine de la loi ;

Vu l’Ordonnance 2020/N O 001/PRG/SGG du 29 janvier 2020 portant dispositions relatives au référendum

Vu la requête ;

Vu les pièces du dossier,

Ouï Monsieur Ahmed Therna SANOH, en son rapport ;

I- CONTENU DE LA REQUETE :

1. Considérant que les requérants, se fondent sur les articles 93 et 94 de la Constitution, 1er, 22 al. 8, 35 et 43 de la Loi Organique L/2011/006/CNT du 11 mars 2011 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle de la Constitution relatifs à la compétence et à la recevabilité de la requête ; qu’ils soutiennent en -l’espèce, que la Cour est saisie pour examiner la constitutionnalité tant formelle que matérielle de l’Ordonnance 2020/N 0 001/PRG/SGG portant dispositions relatives au referendum prise par le Président de la République ; que de ce chef, la Cour est parfaitement compétente pour recevoir et examiner le recours dont elle est saisie ;

2. Considérant que sur l’intérêt et la qualité à agir les requérants soutiennent aussi la recevabilité sur la base de l’article 43 de la Loi Organique L/2011/006/CNT du 11 mars 2011 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, qui dispose : « La Cour constitutionnelle, en contrôle de constitutionnalité, peut être saisie par:

  • Le Président de la République
  • Le Président de l’Assemblé nationale ou un dixième des députés
  • La Commission Electorale Nationale Indépendante
  • L ‘Institution Nationale Indépendante des Droits Humains
  • La juridiction devant laquelle une exception d’inconstitutionnalité est soulevée. »;

qu’en l’espèce, que les requérants sont tous députés à l’Assemblée Nationale ; qu’ils sont par ailleurs au nombre de 43, soit plus de trois fois le quorum minimal nécessaire à la saisine de la Cour ; que pour rappel, 1/ 10 ème sur 114 députés donne 12 députés ; que par conséquent, les conditions tenant à la qualité, à l’intérêt et au quorum de députés nécessaires à la saisine de la Cour constitutionnelle sont incontestablement remplies ;

3. Considérant qu’à l’appui de leur requête, les demandeurs soutiennent que l’auteur de l’acte contesté a excédé la délégation législative qu’il a reçue de la Loi L/2019/055/AN portant habilitation du Président de la République à prendre, par ordonnance des mesures relevant du domaine de la loi. Que l’Ordonnance 2020/N0001/PRG/SGG portant dispositions relatives au referendum est entachée d’un vice d’incompétence positive ; que l’article 82 de la Constitution dispose : « l’Assemblée Nationale peut habiliter par une loi, le Président de la République à prendre des mesures qui relèvent normalement du domaine de la loi, pour un délai donné et des objectifs qu’elle précise. Dans les limites de temps et de compétences fixées par la Loi d’habilitation, le Président de la République prend les ordonnances qui entrent en vigueur dès leur publication, mais deviennent caduques si un projet de loi de ratification n’est pas déposé devant l’Assemblée Nationale avant la date fixée par la loi d’habilitation. Après cette dernière date, elles ne peuvent être modifiées que par la loi. Elles conservent toutefois valeur réglementaire jusqu’à leur ratification. Elles peuvent être amendées lors du vote de la loi de ratification » ; que dans le cas d’espèce, le Président de la République a excédé les « limites de compétence » que lui a conféré la loi d’habilitation, le tout en violation de l’article 82 al. 2 de la Constitution ; que l’article premier de ladite loi d’habilitation dispose clairement ; « Pendant la durée de la période d’intersession, le Président de la République est habilité à prendre par ordonnance les matières législatives ci-après ;

–L’autorisation de ratification des conventions, notamment celles de financement.

– Toutes autres lois nécessitées par les circonstances, en dehors de celles relatives à l’organisation et au fonctionnement des pouvoirs publics, à la loi de finance, aux lois organiques, aux codes, aux lois impliquant les finances de l’Etat et les lois relatives aux statuts des personnes » ;

qu’à l’évidence, cette loi d’habilitation ne mentionne nulle part les mesures relatives aux opérations référendaires ; qu’au contraire, elle indique précisément la liste limitative des matières que le législateur a entendu déléguer au Président de la République, qu’aucun terme ni aucune mention de la Loi L/2019/0055/AN ne peuvent être interprétées comme ayant autorisé le Président de la République à prendre des mesures que le législateur n’a pas explicitement formulées ; que l’article premier de la loi d’habilitation emploie l’expression « Toutes autres lois nécessitées par les circonstances », n’a pas pour effet de conférer au Président de la République des prérogatives excédant les matières expressément visées par le législateur ; que l’ordonnance viole les dispositions de la loi d’habilitation sur le fondement de laquelle elle a été prise ; que le législateur a expressément exclu « les lois organiques » et « les codes » des matières déléguées au Président de la République ; que dès lors, l’ordonnance est entachée d’un vice d’incompétence manifeste doublé d’une violation de la loi.

4. Considérant que les requérants soutiennent que l’ordonnance est entachée d’une violation des dispositions de l’article 83 de la constitution, qu’aux termes de l’article 83 al. 3 de la constitution « L’Assemblée Nationale ne peut habiliter le Président de la République à prendre par voie d’ordonnance des mesures qui relèvent de la loi organique » ; qu’en d’autres termes, les matières relevant du législateur organique ne sont pas au nombre des compétences qui peuvent faire “objet d’une loi d’habilitation ; que dans ce cas d’espèce, l’encadrement juridique des opérations électorales, notamment référendaires, relève de la compétence exclusive du législateur organique ; que pour preuve, le code électoral en vigueur a été élaboré par le biais d’une loi organique ; qu’en conséquence, que même si par extraordinaire, la loi d’habilitation avait expressément habilité le Président de la République à adopter l’ordonnance contestée, ce qui n’est évidemment pas le cas, le cadre juridique des opérations référendaires ne peut être fixé par ordonnance ; qu’ainsi, de ce chef, l’ordonnance est entachée d’une violation des dispositions de l’article 83 al. 3 de la Constitution et doit par conséquent être censurée ;

5. Considérant que les requérants soulèvent également la violation par l’ordonnance du principe de séparation des pouvoirs ; qu’il ressort de l’article 2 al. 7 de la Constitution que : « Le principe de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs est consacré » ; qu’en prenant cette ordonnance, le Président de la République est intervenu dans une matière qui échappe à sa compétence constitutionnelle ; qu’en conséquence, l’Ordonnance viole le principe de la séparation des pouvoirs et doit, sur ce seul motif être censurée.

6. Considérant que les requérants demandent par tous ces moyens et tous autres à produire, déduire, ou suppléer, au besoin même d’office, qu’il plaise à la Cour des céans :

En la forme :

Recevoir le recours en application des dispositions de l’article 93 de la constitution et des articles 1 er, 35 et 43 de la loi organique sur la Cour ;

Au fond :

  • Constater la violation de la loi d’habilitation ;
  • Constater la violation des dispositions de l’article 83 al.3 de la Constitution ;
  • Constater la nullité de l’Ordonnance, le tout en application des dispositions de l’article 2 al. 6 de la Constitution aux termes desquelles : « Toute loi, tout texte réglementaire et acte administratif contraires à ses dispositions sont nuls et de nul effet » ;
  • Dire et juger que l’adoption des règles régissant les opérations électorales, notamment la procédure référendaire, n’est pas au nombre des matières qui peuvent faire l’objet d’une délégation législative ;
  • Dire et juger, en conséquence que le Président de la République est incompétent pour prendre de telles mesures par voie d’ordonnance, sans excéder ses attributions constitutionnelles ;

ll- L’ANALYSE DU RECOURS

  • Sur la compétence et la recevabilité :

7. Considérant que les requérants justifient la recevabilité et la compétence de la Cour sur la base des articles 93 et 94 de la Constitution, 1 er, 22 al. 8, 35 et 43 de la Loi Organique L/2011/006/CNT du 11 mars 2011 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle ;

8. Considérant que l’article 94 in fine dispose : « La Cour Constitutionnelle statue sur : les recours formés contre les actes …ainsi que les recours formés contre les ordonnances prises en application de l’article 82 sous réserve de leur ratification. » ; qu’il découle de cette disposition que la Cour est compétente pour statuer sur la présente requête ; que dès lors, la requête doit être déclarée recevable ;

– Sur les violations alléguées

9. Considérant que la Loi d’habilitation L/2019/0055/AN du 30 décembre 2019 en ses articles 1 et 2 dispose : « …le Président de la République est habilité à prendre par Ordonnance, des mesures concernant les matières législatives… et sur… Toutes autres lois nécessitées par les circonstances …» ; « ll ne peut être fait recours à l’ordonnance que si cela est justifié par l’urgence dont la preuve doit incomber à l’autorité habilitée à prendre des mesures par cette voie. » ; que le vide juridique sur les modalités pratiques du référendum, au regard de la Constitution et du Code électoral révisé en vigueur, constitue une nécessité de circonstance aux fins de combler le vide juridique ; que dès lors, il échet de dire et juger de ce chef que, l’Ordonnance n’a nullement violé la Loi d’habilitation.

10. Considérant qu’une loi organique ne peut intervenir que dans les domaines et pour les objets limitativement énumérés par la Constitution ; que les lois qualifiées d’organiques sont clairement déterminées par la Constitution notamment en ses articles 93 al. 5, 44 al.3, 46 al.2, 61 al.2, 63 al. 1, 64 al. 1, 67 al. 1, 106, 110, 112 al.3, 114 al.2, 115 al.3, 116 al.6, 121, 124, 126, 131, 133,140 et 148 ; qu’il ressort de cette énumération que le régime juridique et les modalités pratiques du référendum sont exclus du domaine d’intervention de la loi organique ; qu’en conséquence, ils relèvent du champ d’application de la loi ordinaire ; que par ailleurs, l’ordonnance contestée ne remplace et n’affecte pas les dispositions existantes dans le Code électoral révisé, plutôt les confirment ; que dès lors l’ordonnance ne heurte ni la Constitution, ni le Code électoral encore moins la Loi d’habilitation ;

11. Considérant que les requérants allèguent la violation du principe de la séparation des pouvoirs ; que le Président de la République, en prenant l’ordonnance sur le fondement d’une loi d’habilitation qui l’autorise à prendre des mesures qui relèvent normalement du domaine de la loi, pour un délai donné et des objectifs qu’elle précise, est constitutionnelle en vertu de l’article 82 al. 1 ; que par ailleurs, au regard de l’alinéa 3 du même article, ces mesures conservent leur nature règlementaire en ce sens que les ordonnances conservent leur valeur réglementaire jusqu’à leur ratification ; qu’en conséquence, il n’y a nullement violation du principe de la séparation des pouvoirs ;

PAR CES MOTIFS :

Déclare :

1. Recevable la requête

2. Conforme à la Constitution, l’Ordonnance 2020/ N O 001/PRG/SGG du 29 janvier 2020 portant dispositions relatives au référendum ;

Ordonne la notification du présent Arrêt au Président de la République, au Président de l’Assemblée Nationale, aux sieurs Mamadou Cellou Dalein DIALLO, Bakary Goyo ZOUMANIGUI, Kalémoudou YANSSANE, Saikou Yaya BARRY, Fodé Oussou FOFANA et 38 autres, tous Députés à l’Assemblée Nationale, ayant pour conseils Me Alpha Yaya DRAME et Me Pépé Antoine LAMA, Avocats à la Cour;

Ordonne sa publication au Journal Officiel de la République ;

Ordonne sa transcription dans les registres à ce destinés ;

Ainsi fait et jugé, les jour, mois et an que dessus.

Pour expédition conforme à la minute

Conakry, le 25 février 2020

 

Le Greffier en Chef                                                     Le Président

Maitre Daye KABA                                                      Dr Mohamed Lamine BANGOURA

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