

REPUBLIQUE DE GUINEE
Travail-Justice-Solidarité
COUR CONSTITUTIONNELLE
Arrêt N°AE 012 du 13 août 2020
Audience plénière
AFFAIRE
Modalités d’application de l’article 42 de la Constitution, relatif aux conditions de candidature à l’élection présidentielle
NATURE
Constitutionnelle
DECISION
Voir dispositif
AU NOM DU PEUPLE DE GUINEE
La Cour Constitutionnelle, en son audience plénière non publique du 13 août 2020 à laquelle siégeaient :
- Monsieur Amadou DIALLO : Vice-président, Président ;
- Monsieur Ansoumane SACKO : Juge, Rapporteur ;
- Monsieur Cécé T HEA : Juge ;
- Monsieur Mamadou Mountaga BAH : Juge ;
- Madame Fatoumata MORGANE : Juge ;
- Monsieur Ahmed Therna SANOH : Juge ;
Avec l’assistance de Maître Andrée CAMARA, Greffière en Chef ;
A rendu l’Arrêt dont la teneur suit :
Vu la Constitution ;
Vu la Loi Organique L/ 2011/006/CNT du 10 mars 2011 portant, organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle ;
Vu la Loi Organique L/2017/039/AN du 24 février 2017, portant Code électoral révisé ;
Vu la Loi L/ 2018/044/AN du 05 juillet 2018 modifiant certaines dispositions de la Loi Organique L/2012/016/CNT portant création, organisation, attributions et fonctionnement de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) ;
Vu la requête N O 137/C.E.N.l./BN/ du 11 août 2020 du Président de la CENI, enregistrée au Greffe de la Cour le même jour, sous le N O 052/2020, relative aux modalités d’application de l’article 42 de la Constitution ;
Ouï Monsieur Ansoumane SACKO en son rapport,
EN LA FORME :
1.Considérant que par lettre N O 137/C.E.N.l./BN/ du 11 août 2020 du Président de la CEN’, enregistrée au Greffe de la Cour le même jour, sous le N O 052/2020 relative aux modalités d’application de l’article 42 de la Constitution, le Président de la CENI sollicite de la Cour Constitutionnelle une décision relative aux modalités d’application de l’article 42 de la Constitution et précisément sur la question liée au parrainage des électeurs, comme condition de candidature à l’élection du Président de la République
2. Considérant qu’au soutient de sa requête, le Président de la CENI invoque d’une part, les attributions de la Cour Constitutionnelle, notamment l’article 103 de la Constitution ainsi que ses pouvoirs d’interprétation générale de la Constitution, et d’autre part, la qualité de la CENI en tant qu’organe chargé de l’organisation et de la supervision des opérations de vote ; qu’il ajoute qu’un arrêt de la Cour Constitutionnelle en la matière, édifiera la CENI et les différentes parties prenantes sur les conditions à remplir pour être candidat au scrutin présidentiel ; que l’article 42 précité dispose : « Tout candidat à la Présidence de la République doit .
-être de nationalité guinéenne ;
-jouir de ses droits civils et politiques ;
– justifier le parrainage des électeurs déterminé par le Code électoral ;
-être d’un état de bonne santé certifié par un collège de médecins assermentés par la Cour Constitutionnelle.
Les candidatures sont déposées au Greffe de la Cour Constitutionnelle quarante (40) jours au moins et soixante (60) jours au plus avant la date du scrutin. Aucune candidature n’est recevable si elle n’est pas présentée par un parti politique légalement constitué ou par une coalition de partis politiques.
Chaque parti politique ou coalition de partis politiques ne peut présenter qu’une seule candidature.
Trente-neuf (39) jours avant le scrutin, la Cour Constitutionnelle arrête et publie la liste des candidats.
Les électeurs sont alors appelés aux urnes par décret. » ;
3. Considérant que conformément à l’article 103 al. 1 et 3 de la Constitution, « La Cour Constitutionnelle est la juridiction compétente en matière constitutionnelle, électorale et des libertés et droits fondamentaux…» ; « Elle veille à la régularité des élections nationales et des référendums dont elle proclame les résultats définitifs » ; que la Cour intervient dans le processus des élections nationales ; qu’en particulier, l’article 29 al. 4 de la Loi Organique L/2011/006/CNT du 10 mars 2011 portant, organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle dispose à cet effet : « Elle (La Cour Constitutionnelle) reçoit les dossiers de candidature aux élections nationales et arrête la liste définitive des candidats » ;
4. Considérant qu’en général, pour déterminer les dispositions constitutionnelles applicables en toute matière, le juge constitutionnel guinéen puise dans le fonds normatif du système juridique essentiellement composé par les textes formant son bloc de constitutionnalité grâce à une interprétation sous-tendue par des techniques qu’il utilise ; qu’ainsi, il ne peut y avoir de compréhension juridique sans exégèse ; que par conséquent, l’interprétation du texte constitutionnel par le juge crée la norme ; que dès lors, conformément aux articles 103 de la Constitution et 29 al. 4 de la Loi Organique précités et en sa qualité de gardienne de la Constitution qui découle de l’article 1 er de la Loi Organique relative à la Cour Constitutionnelle, celle-ci a un pouvoir d’interprétation générale de toutes les dispositions constitutionnelles qui lui sont soumises, en l’espèce les modalités d’application de l’article 42 al. 1 de la Constitution relatif aux conditions de candidature à l’élection présidentielle ; que dès lors la Cour est compétente pour en fixer les modalités, notamment la question relative au parrainage.
5. Considérant que la CENI, conformément à l’article 135 de la Constitution
« … est chargée de l’établissement et de la mise à jour du fichier électoral, de l’organisation, du déroulement et de la supervision des opérations de vote. Elle en proclame les résultats provisoires. »; qu’en vertu de cette disposition, la CENI n’est pas moins un acteur déterminant du processus afférent à l’élection du Président de la République tant dans son organisation, son déroulement et sa supervision ; qu’à ce titre, la question relative à toute condition de candidature à la Présidence de la République par la saisine de la Cour Constitutionnelle, en vue de fixer de manière sans équivoque, transparente et précise les modalités d’application de l’article 42 relativement à la question de parrainage, relève d’un intérêt juridique particulier pour cette institution dans l’exercice de sa mission ; qu’en outre, ce même intérêt juridique se justifie à l’endroit de tout citoyen guinéen intéressé pour être candidat à la Présidence ; que par ailleurs, l’article 41 de la Loi Organique relative à la Cour Constitutionnelle donne pouvoir à la CENI de saisir la Cour Constitutionnelle dans la cadre de ses attributions constitutionnelles ; qu’ainsi la requête de la CENI est recevable.
AU FOND :
6. Considérant qu’au regard des dispositions susvisées et celles de l’article 62 de la Loi Organique relative à l’organisation et au fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, cette dernière n’a pas competence de donner des interprétations contraignantes des lois, elle procède à des interprétations contraignantes de la Constitution ; que l’activité juridictionnelle du juge constitutionnel se justifie à ce titre, par des constructions jurisprudentielles réfléchies ; que par le pouvoir d’interprétation qui lui est reconnu, la Constitution en général ou toute disposition constitutionnelle en particulier est ce que la Cour Constitutionnelle dit ce qu’elle est ;
7. Considérant qu’à l’analyse et partant de l’ordonnancement juridique actuel, caractérisé par l’absence d’un nouveau texte législatif électoral et par la présence d’un Code électoral en vigueur dont l’adaptation n’est pas encore réalisée par le législateur, il y a lieu de dire que dans l’un ou dans l’autre cas, la condition de « justification de parrainage des électeurs déterminé par le Code électoral » est objectivement suspensive relativement au scrutin présidentiel prévu le 18 octobre 2020 au motif que par sa formulation et suivant son esprit, son effectivité ne peut être justifiée que par l’existence d’un texte législatif prenant en compte ses modalités d’application pratique et possible ; que dès lors il y a lieu de constater en l’espèce et en l’état, l’inapplication de la condition de («justification de parrainage des électeurs déterminé par le Code électoral » de l’article 42 al. 1 de la Constitution
8. Considérant que toutes les autres conditions de l’article 42 soumis à l’examen ne souffrent d’aucune difficulté d’application et sont assorties de dispositions et ou des documents juridiques spécifiques ; qu’il y a lieu de constater que les autres conditions sont applicables à l’élection présidentielle du 18 octobre 2020 à l’exception de celle visant la justification du parrainage des électeurs, qui à l’état actuel, reste certes en vigueur mais ne saurait être objectivement appliquée ;
PAR CES MOTIFS :
Déclare recevable la requête de Monsieur le Président de la CENI ;
Constate que la condition « justifier le parrainage des électeurs déterminé par le Code électoral » est objectivement inapplicable ;
Dit que la condition de justification de parrainage des électeurs est suspendue pour le scrutin présidentiel prévu le 18 octobre 2020 ;
Dit que toutes les autres conditions déterminées par les dispositions de l’article 42 de la Constitution s’appliquent au scrutin présidentiel du 18 octobre 2020 ;
Ordonne la notification du présent Arrêt au Président de la République, au Président de l’Assemblée Nationale et au Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) ;
Ordonne sa publication au Journal Officiel de la République ;
Ordonne sa transcription dans les registres à ce destinés ;
Ainsi fait et jugé, les jour, mois et an que dessus.
Pour expédition conforme à la minute
Conakry, le 13 août 2020
Le Chef du Greffe Vice-Président
Me Andrée Camara M. Amadou Diallo
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