Par Mohamed Aly Thiam
Date de publication: 29 juin 2019
Note sur l’Auteur: M. Mohamed Aly Thiam est un ancien Ambassadeur de a République de Guinée aux Etats Unis d’Amérique. Il est actuellement Magistrat à la Cour Suprême de Guinée.
Avant-propos
Le Thème retenu et développé lors de l’audience de la rentrée judiciaire de l’année 2106-2017, avait été intitulé : pour une justice indépendante, impartiale et intègre.
Le déroulement chaotique de cette cérémonie, n’a pas permis à l’orateur de présenter, dans son entièreté, son travail, le travail, le procureur général et le bâtonnier n’ont pu donner leurs observations. Seul le Premier Président avait pu, très brièvement d’ailleurs, exposer ses vues sur important thème.
L’exposé ci-dessous ne reflète, ni ne rend compte de l’audience solennelle de rentrée judiciaire. Il contient les seules opinions de son auteur sur les différentes notions composant le thème, suivant le schéma ci-après :
I – la justice indépendante, indépendante de qui ?
II – L’indépendance est-elle un privilège du magistrat ?
III – Quelles sont manifestations concrètes de l’indépendance ?
IV- Les moyens de l’indépendance de la justice ?
V- De l’impartialité de la justice
VI- De la notion d’intégrité de la justice
VII- Des aspects importants et peu connus ou peu apparents de l’intégrité
VIII- Divers mécanismes limitant l’influence personnelle du juge
IX – Sept raisons de motiver les décisions de justice
Conclusion
I- La justice indépendante, indépendante de qui ?
La réponse à cette première question est fournie par la Constitution, en premier lieu, par son article 107, qui dispose, citation : ‘’Le pouvoir judiciaire est indépendant pouvoir exécutif et du pouvoir législatif’’’.
Cette disposition, à elle seule, ne rend pas compte de la plénitude de l’indépendance de la justice. Elle est complétée, dans une logique de progression linéaire, par l’alinéa la de l’article 109 de la constitution, qui déclare, je cite : ‘’ Les Magistrats ne sont soumis, dans l’exercice leurs fonctions, qu’à l’autorité de la loi’’.
Pour continuer dans l’itinéraire que fixe le thème, il convient de demeurer dans cette logique de progression linéaire”, parce que si l’article 107 se limite à l’affirmation, au demeurant explicite, de l’indépendance du pouvoir judiciaire, l’article 109, par l’usage des termes ne sont soumis… qu’à”, associe exclusion et prohibition Ce qui implique que non seulement dans l’exercice des fonctions de magistrat, seule l’autorité de la loi prévaut, mais également, aucune autorité ne doit ni s’immiscer, ni s’ingérer dans les procédures judiciaires.
Cette prohibition de l’immixtion ou de l’ingérence dans les procédures judiciaires ne veut pas dire que les autorités exécutives et législatives ne sont pas concernées par les araires portées devant les cours et tribunaux ou qu’elles ne devraient pas s’en préoccuper ; bien au contraire, la paix dans la cité est dépendante de la manière dont sont réglés les troubles l’ordre public ou les dommages causés particulier ; entendu que la décision de justice trouve son effectivité dans son exécution dévolue par la constitution Pouvoir Exécutif.
Mais, la prescription constitutionnelle interdit de dire ou imposer ou enjoindre au magistrat ce qu’il doit ou ne doit pas faire dans la conduite de la procédure aboutissant au règlement du conflit avec la loi, ou à la solution du litige ou du différend, ou encore à la réparation du préjudice subi.
La logique de progression linéaire instaurée par notre constitution, évoquée plus haut, tire son
Fondement et sa substance des dispositions de l’alinéa 2 de l’article de la Constitution et du Titre II de cette loi suprême, relatif aux “libertés, devoirs et droits fondamentaux’’.
En effet, l’article 1er de la Constitution dispose ‘’La Guinée est une République unitaire indivisible laïque, démocratique sociale Elle assure l’égalité devant la loi tous les citoyens sans distinction d’origine, race, de religion d’opinion ‘’
L’affirmation de cette égalité ontologique, donc du principe universel de l’équivalence humaine, est la toute première disposition de la Constitution guinéenne. Ce principe fondamental est repris par l’article 5 de la constitution, qui dit : “La personne humaine et Sa dignité sont sacrées. L’Etat a le devoir de les respecter et de les protéger”.
L’article 8 de la loi suprême de notre pays, dans cette logique de progression linéaire, proclame, car le ton de cette disposition indique sans équivoque qu’il s’agit bien d’une proclamation je cite : ‘’Tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Les hommes et les femmes ont les mêmes droits. Nul ne doit être privilégié ou désavantagé en raison de son sexe, de sa naissance, de sa race, de son ethnie, de sa langue, de ses croyances et de ses opinions politiques, philosophiques ou religieuses’’ Fin de citation.
La constitution, à partir de cette égalité principielle, qui fonde l’équivalence humain, pose la règle de l’impartialité du juge, lorsque celui-ci recherche la solution à la transgression de la loi, au trouble à l’ordre public, au dommage causé à autrui. A l’article 9, la constitution édicte des règles qui, en raison de leur universalité, sont fondamentales, inviolables et immuables et auxquelles sont soumises, de manière catégorique, les trois pouvoirs régaliens de l’Etat, l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire.
L’article 9 de la Constitution fixe les règles de l’impartialité, en ces termes “Nul ne peut être arrêté, détenu ou condamné qu’en vertu d’une loi promulguée antérieurement aux faits qui lui sont reprochés, pour les motifs et dans les formes prévues par la loi. Tous ont le droit imprescriptible de s’adresser au juge pour faire valoir leurs droits face à l’Etat et ses préposés. Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’une procédure, dans les formes prévues par la loi. Tous ont droit à un procès juste et équitable, dans lequel le droit de se défendre est garanti. Le droit à l’assistance d’un Avocat est reconnu dès l’instant de l’interpellation ou de la détention. La loi établit les peines et proportionnées aux fautes qui peuvent les justifier, ‘’fin de citation.
Six termes clés retiennent l’attention lorsque l’on lit soigneusement cet article 9 Ce sont : « qu’en vertu d’une loi promulguée » « dans les formes prévues par la loi », « un procès juste et équitable», « droit de se défendre…garanti » « droit à l’assistance d’un Avocat » et enfin « la loi établit peines nécessaires et proportionnées aux fautes qui peuvent les justifier ».
C’est pour réaliser tous les principes protecteurs du citoyen, contenus dans ces termes-clés et garantir la stabilité de la République que l’article 2 de la Constitution, en son dernier alinéa, a, une autre proclamation de la constitution, dit avec une solennité quasi sacramentelle : ‘ ‘Le principe de la séparation et de l’équilibre Pouvoirs est consacré”. Cette disposition est base même de l’indépendance des trois pouvoirs les uns vis-à-vis des autres.
De ce qui précède, l’indépendance de la Justice a pour fondement les articles 1er, 2, 5, 8, 9, 107 et 109 de la Constitution.
II- L’indépendance est un privilège du magistrat ?
La deuxième question est de savoir, sur la base de ces textes, en fait comme en droit, l’indépendance est un privilège du magistrat ou une prérogative du Pouvoir judiciaire dont il est membre ? La réponse logique et indubitable est non, en ce qui concerne le magistrat, et oui pour le Pouvoir judiciaire ! S’agissant du magistrat, cette indépendance est organisée et admise pour deux choses : d’un côté, la primauté de la loi, à la seule autorité de laquelle la constitution soumet l’exercice de sa fonction ; de l’autre, la préservation de l’égalité ontologique des êtres humains devant la loi par les organes de l’Etat, principalement le Pouvoir judiciaire.
Ce principe essentiel de l’égalité, qui abreuve et nourrit l’indépendance de la justice, est tellement important dans le système juridique guinéen que l’article 4 de la constitution énonce : « La loi punit quiconque par un de discrimination raciale, ethnique, religieuse, par un acte de propagande régionaliste, par tout autre acte, porte atteinte à l’unité nationale, à la sécurité de l’Etat, à l’intégrité du territoire de la République ou au fonctionnement démocratique des Institutions »
Il reste entendu, à tous égards, que « discrimination » est l’antonyme « égalité Les articles 313 à 315 et 646 du nouveau code pénal de 2106 punissent justement la discrimination.
C’est bien contre toutes manifestations ou formes de discrimination que la constitution a institué l’indépendance du juge, afin que la décision qu’il rend ne soit inspirée ou imposée que par sa seule conscience et parce qu’elle est une garantie de son impartialité.
La Constitution, en posant le principe de l’indépendance de la Justice, s’est inspirée, comme on peut le déduire de son préambule, des instruments juridiques de portée internationale et régionale qu’elle a cités comme référence.
En effet, le droit à un tribunal compétent, indépendant et impartial est énoncé à l’Article :
- 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme,
- 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
- 7 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
Reconnaissant le rôle essentiel que joue une magistrature compétente, indépendante et impartiale dans la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Septième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants a adopté et l’Assemblée générale de l’ONU a approuvé, en 1985, les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature qui doivent être, je cite, “pris en considération et respectés par les gouvernements le cadre de la législation et de la pratique nationales et être portés à l’attention des juges, des avocats, du pouvoir exécutif et législatif et du public”. Fin de citation.
Ces principes couvrent l’indépendance des magistrats, leur liberté d’expression et d’association, leurs qualifications, leur sélection et leur les conditions d’exercice de leurs diverses fonctions, ainsi que les avantages, les immunités, les incompatibilités, les mesures disciplinaires, ta suspension et la destitution les concernant.
A ce titre, ils forment, avec la législation interne des Etats, un cadre de normes qui permet d’évaluer le rôle de la magistrature dans l’édification d’un État de droit où la loi est la référence et où la protection des droits de l’Homme est le ferment de la paix sociale et le ciment de l’unité nationale.
III- Quelles sont manifestations concrètes de l’independence ?
La première, la plus évidente, des manifestions concrètes de l’indépendance du Pouvoir judiciaire est, à la lumière des articles 1er, 2, 107 et 109 de la constitution que le pouvoir politiques, que ce soit dans sa composante exécutive ou législative, ne puisse intervenir autrement que par la fixation de normes, au respect desquelles le juge aura, en aval, la charge de veiller.
Sous les aspects que posent les articles l, 8 et 9 de la Constitution et 35 du Statut des Magistrats, l’indépendance judiciaire vise à préserver ta confiance du public dans l’impartialité de la magistrature.
Vue, sous l’optique des articles 8, alinéa 2 et 107 de la constitution et de l’article 14 du CPCEA, l’indépendance de la justice sert à renforcer la perception du public selon laquelle les juges rendent leurs décisions en leur âme et conscience sans possibilité qu’ils aient été influencés, de quelque façon que ce soit ; par des facteurs étrangers aux litiges dont ils sont saisis.
Pour cette raison, il ne peut suffire que la magistrature soit, dans les faits, indépendante ; il faut, en plus, qu’elle s’emploie, avec rigueur et constance, à paraître l’être. Sous cet augure, l’indépendance de la Magistrature est une conquête permanente, sans cesse renouvelée.
D’autre part, on tire de l’article 109 de la Constitution que l’indépendance judiciaire a pour cause et but d’assurer le maintien de la primauté du droit. Un des éléments principaux de cet objectif est le principe constitutionnel en vertu duquel l’exercice de tout pouvoir public doit, en dernière analyse, tirer son origine d’une règle de droit. En tant qu’ultime fortification de la primauté du droit contre les actions abusives des pouvoirs publics et les actes délictuels des délinquants, il devient alors essentiel que les Juges soient en mesure d’exercer leurs fonctions en toute liberté, sécurité et sérénité.
La liberté, la sécurité et la sérénité sont une autre dimension de l’indépendance de la justice que le code pénal garantit en ses articles 208, 209, 234, 306, 661, 663, 684, 738, protégeant le magistrat contre les actes d’intimidation, les atteintes et violence contre sa personne et contre les entraves à la justice.
A ce sujet, l’article 107 de la Constitution en son alinéa 2 précise que La justice est rendue exclusivement par les Cours et Tribunaux” et l’alinéa de l’article 108 précise, sans circonlocution, que leurs «décisions définitive s’imposent aux parties aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives, juridictionnelles et aux forces de défense et de sécurité »
On doit, dès lors, distinguer l’indépendance individuelle, qui s’attache aux juges pris individuellement, de l’indépendance institutionnelle ou collective, relative aux cours et tribunaux, tant qu’institutions. Afin que l’indépendance judiciaire demeure réelle, ces deux dimensions doivent faire l’objet de garanties suffisantes. Ce sont elles qu’offrent les deux lois organiques du promulguées par son Excellence, Pr Alpha CONDE. Cet acte s’inscrit sur la page des palmes glorieuses de l’histoire de notre Pays.
IV- Les moyens de l’indépendance de la justice
Abordant les moyens de l’indépendance de la justice, il convient de premier en tout premier lieu que cette indépendance est consubstantielle aux possibilités matérielles accorder aux magistrats, afin qu’ils tiennent efficacement leur office, car la reconnaissance de l’étendue des missions de toutes nature, qu’ils sont en situation d’assumer, implique que soient allouées aux Cours et tribunaux les ressources nécessaires à les remplir.
On ne peut alors concevoir indépendante, une justice qui ne dispose pas du personnel et des outils intellectuels, économiques, statistiques et financiers, permettant de faire face, avec intelligence, diligence et à-propos, aux problèmes qui lui sont présentés, tant est contraignant le principe procédural général contenu dans l’article 14 du Code de procédure civile, économique et administrative qui dispose : « Le juge doit examiner tous les chefs de demande qui lui sont soumis. Il est tenu de statuer Sur tout Ce qui lui est demandé et seulement sur ce qui lui est demandé ».
Ce texte, dans le sillage des dispositions de la constitution notamment l’article 109, indique, sans équivoque, qu’un juge indépendant n’est pas libre de faire ce qui lui plaît, ce qui lui passe par la tête, même quand cela peut lui sembler utile au bien de l’Etat ou de ses concitoyens. Il est lié par la loi à laquelle il doit, à tout prix, demeurer invariablement fidèle En effet, la volonté de l’Etat et ses moyens d’organiser la paix publique s’expriment par des textes généraux abstraits que le juge doit appliquer aux situations concrètes qui lui parviennent doit dire le droit et accomplir cette charge dans le cadre d’une juridiction organisée par la loi.
Son indépendance ne signifie pas qu’il peut inventer ou modifier, à loisir, le droit, selon ses opinions personnelles ou en faisant prévaloir son point de vue individuel. La recherche de la volonté du législateur, qu’elle soit clairement exprimée ou qu’elle puisse être déduite d’une interprétation des règles écrites ou non écrites, s’impose à lui. La valeur de l’indépendance du juge se manifeste par son aptitude intellectuelle et morale d’appliquer strictement la loi, de manière égale pour tous.
Dans ce sens, l’indépendance, dans son acception la plus large, traduit la liberté qui lui est attribuée de remplir, avec probité, sa mission de dire le droit.
Voici posé, sous son le plus rigoureux et le plus ostensible, le principe d’impartialité, avec la conséquence que les éléments d’appréciation fournis par les plaideurs et les témoins, par les services de police, les avocats et les experts commis, dossier après dossier, sont trop parcellaires, trop partisans et trop limités, pour permettre d’avoir une vue d’ensemble du contexte dans lequel le juge doit statuer.
Ces éléments ne favorisent pas toujours une approche suffisante de notions aussi complexes que l’intérêt général, la présomption d’innocence, l’ordre public, la liberté de communication la naturalisation, l’intérêt de l’enfant, la bonne gouvernance des entreprises et tant d’autres concepts à portée globale ou très spécifique.
Du moment qu’il est sollicité, demandé ou requis aux magistrats, et il leur est, de plus en plus souvent, exigé, d’apprécier de telles notions et de dialoguer, à armes égales, avec les membres d’un barreau de plus en plus puissant, tatillon et vigilant. Il subséquemment, donner à ces magistrats, surtout en début de carrière, la possibilité d’appréhender, en profondeur, ces difficiles et nombreux domaines.
Cette possibilité signifie un renforcement considérable de la formation initiale et de la formation continue, de la spécialisation, de la documentation, de l’accès continuel au savoir et de la sensibilisation à leur appartenance à l’Etat, dont la justice est et doit rester l’un des principaux fondements. La justice n’occupe-telle pas la place centrale au sein de notre devise ?
Il est intéressant de noter que cette centralité de la justice subodore sa transversalité dans la mesure où l’article 35 de la loi 054/CNT du 17 mai 2013 fait de l’insuffisance professionnelle du magistrat une faute disciplinaire aux conséquences graves, pouvant aboutir à la radiation.
V- De l’impartialité de la justice
Comme on peut inférer du libellé de notre thème que l’impartialité est le premier palier de l’indépendance de la justice, j’en viens à son deuxième palier, à savoir l’inamovibilité du juge, qui constitue la condition de son indépendance fonctionnelle fixée par l’alinéa 2 l’article 109 de la constitution.
Cette disposition en association avec celles des articles 110 et III de la Constitution, construit l’étanchéité des Cours et Tribunaux à toutes les influences extérieures, à travers la force du Statut des magistrats et les pouvoirs conférés au CSM, dans le but de leur permettre de s’imposer, dans le sens des articles 2, dernier alinéa, et 108 de la Constitution.
Le principe de l’inamovibilité, contenu dans l’alinéa 3 de l’article 109, doit être compris dans le sens que le juge ne peut faire l’objet d’une mesure individuelle quelconque, prise à son encontre révocation, suspension, déplacement, mise à la retraite prématurée, que dans les conditions prévues par les lois organiques 054/CNT et 055/CNT du 17 Mai 2013, opportunément promulguées et mises en application par son Excellence Pr. Alpha CONDE.
A ce stade loin de toute démagogie, un chaleureux hommage doit être rendu à son Excellence Professeur Alpha CONDE Président de la République, pour sa décision d’avoir consacré 2013 “année de la Justice et d’avoir, non seulement promulgué les lois organiques relatives respectivement au statut des Magistrats, au Conseil supérieur de la magistrature, à la Cour Constitutionnelle et à la Cour des Comptes, mais d’avoir, dans la foulée de ces textes, pris le décret rémunération des Magistrats, indiquant, si éloquemment, sa volonté d’offrir une vie décente aux serviteurs du service public de la Justice.
Le Code pénal et le Code de procédure pénale révisés viennent d’être promulgués et il est certain que le code civil, le code de procédure civile, la loi anticorruption son prochainement être examinés honorables députés et connaitre le même sort heureux. Il en sera également même de l’élaboration d’un code des obligations de l’administration, qui donnera au droit administratif guinéen sa nécessaire substance.
L’œuvre commencée est déjà immense, sa poursuite en faveur de la réhabilitation et de la modernisation des palais de justice alimente les espoirs engendrés par les ouvrages surgissant, ici et là, au gré des fêtes tournantes, pour témoigner, si besoin en était, des qualités de bâtisseur du chef de l’Etat.
Résolu à donner toute la mesure de son engagement en faveur de la justice, longtemps laissée pour compte, Monsieur le Président de la République ne s’est arrêté en si bon chemin. Il a mis en place un cadre institutionnel permanent de réforme du secteur de la justice. Le secrétariat exécutif de la réforme, épaulé par le PARJU qui, sous l’impulsion du Garde de sceaux, LE Ministre d’Etat Cheick Sako, s’emploie à faire avancer ce programme avec une diligence remarquable. Dans le but de suivre de près, au jour le jour, l’évolution du programme de réforme judiciaire, le chef de l’Etat se fait assister du Ministre conseiller, Monsieur Mohamed Lamine Fofana, dont le dynamisme proactif est bien connu.
Dans la conjonction mondiale du XXI, marquée par l’explosion des manifestations de démocratie à l’échelle universelle, notre constitution a rehaussé la justice au rang de pouvoir constitutionnel de l’Etat et lui a conféré une considération institutionnelle égaie à celle qui entoure, partout dans le monde moderne, le Pouvoir Exécutif et le Pouvoir Législatif.
Mais, pour devenir pouvoir, la justice se doit de recevoir le contrôle permanent de celui au nom duquel elle agit, c’est à dire le peuple, le Peuple guinéen. A cet égard, la Constitution a conçu un organe majeur de surveillance de la bonne administration de la justice plus exactement, de bonne gouvernance judiciaire, que représente le Conseil supérieur de la magistrature.
L’un des rôles de cette institution, présidée par le Président de la République, est de veiller à la sauvegarde du troisième palier de l’indépendance de la justice, à savoir l’intégrité du Juge qui est le socle de son impartialité.
VI- De la notion d’intégrité de la justice
De prime abord, je soutiens que ‘’indépendance de la justice’’ doit absolument rimer avec ‘’intégrité du juge’’ Le luge concrétise son impartialité par son affranchissement de toutes contraintes extérieures n’ayant pas de lien causal avec le droit et avec l’exercice honnête de la fonction de juger.
L’intégrité est la vertu première qui inspire les actes et gouverne les comportements du magistrat, en pleine adéquation avec les qualités morales et les valeurs éthiques de sa profession, définies dans son serment.
L’intégrité apparaît, sans conteste, comme une composante essentielle de toute déontologie professionnelle, une exigence particulièrement astreignante pour la magistrature. Dans ce sens, l’obligation d’intégrité du juge comporte une série de normes draconiennes, destinées à le contraindre à l’honnêteté et à promouvoir la culture de la probité dans les rapports qu’il entretient avec ses confrères, les justiciables, les auxiliaires de justice et avec tout l’environnement humain et politique.
L’obligation d’intégrité se présente ainsi comme la pierre angulaire de tous les devoirs déontologiques ; elle est la base fondamentale de la conscience professionnelle et du lien de confiance entre la justice le justiciable et la société.
L’intégrité, entendue comme qualité morale de la personne qui ne se laisse pas corrompre. Ou dont la conduite et les actes sont irréprochables, se donc à la distance que le juge place, par la seule force de sa volonté, entre sa personne et l’argent, le pot de vin, l’enrichissement illicite, l’avantage indu et toute source ou cause d’altération de sa crédibilité et du respect dû à la noblesse de sa charge et de son état.
Les garde-fous contre le manquement aux devoirs d’intégrité sont de l’ordre disciplinaire prévu par le Statut des Magistrats de l’ordre pénal fixé par le nouveau code pénal en ses articles 776 et suivants. La sévérité des sanctions préconisées est à la mesure du devoir de probité du magistrat, qu’il soit du siège ou du parquet.
L’obligation d’intégrité se rapporte l’éloignement du magistrat des « honneurs factices » des paillettes de d’une vie tumultueuse et L’intégrité engendre la confiance et considération.
VII- Des aspects importants peu connus ou apparents l’intégrité
Parlant d’intégrité, il y a, en matière judiciaire, une antonymie entre intégrité et « dualité de fonction » En effet, lorsqu’un magistrat a connu la cause ou l’Objet d’une affaire, en autre qualité, le justiciable peut concevoir doute légitime sur son impartialité. Cette « double casquette » portée par un juge, dans une même affaire, pourrait par exemple relevée, dans la circonstance où le même juge siégerait en formation de jugement ou en appel, alors que, précédemment, il aurait connu de la même cause en qualité de juge d’instruction ou de magistrat du parquet. Ce comportement une violation de la loi et une infraction l’éthique et à la déontologie, dont les règles devraient être rassemblées dans un code pour régir l’intégrité.
Le législateur guinéen, en l’occurrence l’Assemblée nationale, devant une telle hypothèse, a sagement perçu qu’il n’est nul besoin de démontrer l’absence de neutralité du juge, du moment qu’elle peut être présumée avec les justices de paix. Cette situation, qui présentait donc une suffisante apparence de partialité, explique que la loi nouvelle de réorganisation de la justice ait supprimé les justices de paix.
En en venant aux attentes du citoyen, l’idée peut être soulignée que le justiciable, partie ou impliqué dans une procédure judiciaire, de quelque nature qu’elle soit : civile, commerciale, administrative, financière ou pénale…, attend, d’abord et avant tout, que celui qui le juge, c’est à dire celui qui va décider au final de son affaire ou de son sort, sort intègre.
Ce qui signifie, de façon simple et clair, qu’il attend du juge, comme le veulent les articles 12, 13 et 14 du CPCEA, d’être à l’écoute de tous les arguments, de l’une et de l’autre partie au procès, des témoins et, le cas échéant, des experts.
En effet, déjà en l’an 60 après JC, Sénèque déclarait « Le juge qui rend Son arrêt sens avoir écouté les deux parties, commet une injustice, l’arrêt fût-il juste »[1]
Ensuite, le juge, pour aboutir à sa décision, doit suivre un raisonnement intellectuel qui ne laisse aucune place à ses convictions personnelles, raisonnement découlant de la salle analyse objective des éléments apportés, par les uns et par les autres, au soutien de leurs prétentions respectives
Quoi qu’il en soit, en plus d’être l’une des plus importantes et contraignantes obligations déontologiques s’imposant aux juges, l’intégrité est un élément constitutif de la confiance du public en la justice. Celle-ci exige que le magistrat, quelles que soient Ses opinions, demeure libre d’accueillir et de prendre en compte tous les points de vue débattus devant lui.
Il est bien connu que les juges doivent, au quotidien de leur carrière, apprécier la bonne ou mauvaise exécution des contrats, trancher des litiges résultant de la vente de biens matériels, régler les différends entre des organismes financiers et leurs clients, rechercher les responsables de violence ou trouble à l’ordre public, déterminer les montants des réparations, organiser les successions conflictuelles, régler les litiges entre époux ou voisins, gérer la tutelle des mineurs et des majeurs, tirer les conséquences financières d’une expropriation ou d’une faillite, dire si un brevet a été respecté, contrôler la régularité d’un acte unilatéral de l’Administration, etc..
C’est pourquoi, et en tout cela, la loi a prévu et imposé des limites à l’influence des opinions personnelles du juge, en lui enjoignant, à l’article 109 de la Constitution, de n’obéir qu’à la seule autorité de la loi dans le respect de l’article 8 de la constitution, qui pose le principe que « Nul ne doit être privilégié ou désavantagé … ».
VIII – Divers mécanismes limitant l’influence personnelle du juge
Pour contenir les risques que la décision d’un juge puisse être exagérément influencée par ses opinions personnelles, divers mécanismes.
Le premier d’entre eux est la collégialité de juges, dont la raison d’être se trouve dans la complexité de certaines affaires ou différends, mais aussi et surtout, dans la confrontation des points de vue des membres du collège de juges pouvant avoir des approches de l’araire nettement ou sensiblement différentes.
La collégialité, formée toujours en nombre impair, comporte la propriété de mettre en minorité celui ou ceux des juges qui souhaitent faire tyranniquement prévaloir leurs opinions personnelles sur l’analyse objective du dossier. C’est pourquoi, l’article 111 du code de procédure civile, en son alinéa 2 a décidé, je cite : « La décision est rendue à la “majorité des voix » excluant, du coup, la prépondérance de la voix du président de la formation collégiale.
Le code de procédure pénale, en son article 877, signe de cohérence de la législation nationale, pose le même principe, en disposant :
« Le délibéré se fait en Chambre conseil Le Tribunal se réunit dans la salle de délibération, toutes les décisions sont prises à la majorité des voix »
Le deuxième mécanisme est l’existence de diverses voies de recours, dont le but est d’autoriser un nouvel examen complet ou partiel du litige ou de l’affaire, par la voie de la reformation de la décision attaquée devant les juges de la juridiction supérieure (double degré de juridiction) ou par la voie de la rétractation par le juge qui a rendu la décision, requête civile. En cas de partialité avérée du premier juge, la nouvelle décision prise en appel corrigera cette aberrasion supposée puisque l’acte d’appel réduit à néant la décision initiale.
Le troisième est la récusation, prévue par les articles 740 à 746 du nouveau code procédure pénale et 450 à 466 du code de procédure civile, économique et administrative pour écarter de la procédure le juge suspecté d’impartialité.
Le quatrième mécanisme est la sanction du déni de justice commis par un magistrat prévu par l’article 714 du code pénal et de tout cas de corruption, relevé contre lui en application l’article 717 du même code.
Le quatrième mécanisme est l’ensemble des procédures devant la Cour suprême, pourvoi en cassation ou en annulation, prise à partie règlement de juges, contrôle la régularité formelle et de la qualité de la motivation des décisions des cours d’appel et des actes autorités exécutives.
Le cinquième mécanisme de limitation de la partialité du juge réside dans l’article 478 code de procédure pénale, qui dit que ‘’ Tout jugement doit contenir des motifs et un dispositif. Les motifs constituent la base de la décision’’ Le code de procédure civile adopte la même exigence principielle, en l’article 116, qui dispose : ‘’ Le jugement doit exposer succinctement, les faits et les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Il doit être motivé’’.
Motiver la décision de justice, ordonnance, Jugement ou arrêt, est, pour le juge, fonder sa décision en fait et en droit ; car il appartient au Juge d’analyser, même de façon sommaire, les éléments de preuve produits devant lui par les parties.
Cette exigence de motivation est tellement importante qu’elle figure dans :
- Le code de procédure civile aux articles : 47, 85, 88, 89, 90, 741,818,826,827,828 et 830, soit dix articles.
- Le code de procédure pénale aux articles : 17, 69, 70, 74, 87, 96, 147, 149, 150, 152, 154, 157, 158, 172,173, 174, 229, 236, 237, 238, 241, 243, 256,258, 260, 265, 268, 271, 273, 385, 306, 318,320,321 soit 34 articles.
Le défaut de motivation d’une décision de justice n’est pas seulement une cause d’exercice de voies de recours, il constitue des impérities constitutives de l’insuffisance professionnelle que l’article 35 Statut des magistrats a considérée comme faute professionnelle, car comme le dit le célèbre poète, Jean de la Fontaine : « d’un magistrat ignorant, on salue la robe »
Il résulte de toutes ces dispositions, que doivent être motivés : les ordonnances les jugements contentieux comme les décisions rendues en matière d’instruction et en matière gracieuse, les jugements avant dire droit et les jugements statuant au fond, les jugements en premier ressort comme ceux rendus en dernier ressort
IX- Sept raisons de motiver les décisions de justice
Premièrement, la motivation des décisions des juridictions répressives permet au prévenu de savoir pour quelles raisons il a été arrêté, condamné ou acquitté ou à la personne mise en examen de connaître les raisons de son placement en détention provisoire.
Deuxièmement, la motivation des décisions des juridictions répressives permet à la partie civile et au parquet d’apprécier l’opportunité d’exercer un éventuel recours contre elles.
Troisièmement, l’importance de la motivation des décisions de justice est telle que les arrêts et jugements, qui sont rendus en dernier ressort, sont déclarés nuls s’ils ne contiennent pas de motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la juridiction de cassation d’exercer son contrôle et de constater que la loi a bien été respectée, appliquée et interprétée par les juges des juridictions inférieures.
Il en est de même, lorsque les juges ont omis ou refusé de se prononcer sur une ou plusieurs demandes des parties ou sur une ou plusieurs réquisitions du ministère public. Les demandes des parties s’expriment sous forme de “moyens” oralement ou dans des conclusions écrites, bien que les écritures ne soient pas obligatoires devant les juridictions pénales, car il s’agit d’une procédure dite ‘’Orale’’.
Quatrièmement, le juge doit justifier son raisonnement et expliquer les raisons pour lesquelles il écarte tel raisonnement juridique et/ou pour lesquelles, par contre, il fait droit à tel autre raisonnement. Par conséquent, l’obligation de motivation mise à la charge des juges dans leur décision de justice traduit le respect du droit des justiciables à être entendus et à avoir une réponse aux moyens soulevés.
Cinquièmement, les enjeux de la motivation d’une décision sont cruciaux. Moralement, la motivation est censée prémunir le justiciable contre l’arbitraire, mais ses vertus sont aussi d’ordre rationnel, intellectuel, car motiver sa décision assujettit celui qui la prend à la rigueur d’un raisonnement convaincant et à la pertinence de motifs dont il doit pouvoir rendre compte Le cas échéant, la motivation donnera l’appui nécessaire pour contester, de façon rationnelle, la décision et à la formation de discipline du CSM d’évaluer l’insuffisance professionnelle du juge attaqué devant lui pour ce motif.
Sixièmement, en matière l’obligation de motivation des jugements répond à une triple finalité. Elle oblige le juge au raisonnement juridique, c’est-à-dire à la confrontation du droit et des faits. Elle constitue, ensuite, pour le justiciable la garantie que ses prétentions et ses moyens ont été sérieusement et équitablement examinés.
Septièmement, enfin, elle permet à la cour Suprême d’exercer son contrôle et d’expliquer sa jurisprudence. En motivant sa décision, le juge s’explique, justifie sa décision étymologiquement la met en mouvement en direction des parties et des juridictions supérieures pour la soumettre à leurs critiques et à leur contrôle. Il ne s’agit donc pas d’une exigence purement formelle, mais d’une règle procédurale essentielle qui permet, in concreto de vérifier que le juge a fait une correcte application de la loi dans le respect des principes directeurs du procès juste et équitable.
Conclusion
Il est incontesté et incontestable que dans le combat contre la corruption et la médiocrité doit tendre à éliminer, dans les pratiques prétoires, les décisions et mesures abérrantes manifestement dictées par la corruption, qui se cache derrière la possibilité d’une interprétation multiple ou spécieuse de la loi.
Il est vrai et constant que les termes d’une loi données sont généraux et impersonnels et produisent la conséquence que, par principe, toute personne qui se trouve dans la situation décrite par la loi, est susceptible de se voir appliquer les conséquences prévues par cette norme. Telle est, in fine, la Signification du principe de l’égalité de tous devant la loi.
Bien évidemment, il existe également des cas où la lettre de la loi n’est pas toujours intelligible au commun des mortels et doit, par conséquent, are interprétée par le juge.
Ce dernier peut alors adopter une interprétation du droit que les parties ne partagent pas. Mais, en aucun cas, la posture du juge ne doit donner aux parties le motif raisonnable de questionner l’impartialité de la décision, particulièrement, ce doute ne doit pas trouver fondement dans la question de l’intégrité du juge.
Dans ce contexte, c’est l’intégrité qui peut guider le juge dans la recherche d’un équilibre entre les prétentions concurrentes des parties, puisqu’elle repose sur la rigueur, la droiture et la cohérence qui gouvernent la relation du juge au droit, s’opposent à la corruption et reposent sur le règne de la loi…
Nous convenons que le magistrat doit rester intègre, c’est-à-dire indépendant des tentations de l’argent, de la recherche immorale de l’avancement et des honneurs. Il doit, par l’exemplarité de sa posture morale, qui dévoile la rectitude de sa conscience et la constance de sa bienséance, affirme son indépendance face aux pressions de toutes natures, y compris celle provenant des idées reçues, répandues par la presse à sensation, la rumeur, les sources traditionnelles ou la mondanité mutationnelle.
Le juge intègre ne repose pas sa tête sur le mol oreiller de la routine qui est sclérosante. Il étudie, analyse, compare, évalue et procède par la recherche méthodique et rigoureuse de la vérité.
En considération de l’exigence de l’intégrité, qui termine l’exposé du thème : justice indépendante, impartiale, intègre, on peut détruire des formations disciplinaires du conseil supérieur de la magistrature que préside, avec une sagesse éclairée, le premier Président de la cour suprême, Monsieur Mamadou SYLLA, que le combat contre la corruption est irréversiblement engagé dans la voie du succès, quant à la mise en place du socle d’une justice indépendante, impartiale et intègre.
Pour finir le lecteur est convié à méditer cette pensée de Francisco de QUEVEDO3[2], tirée de son ouvrage intitulé la politique de Dieu et le Gouvernement du Christ, je cite : « les délinquants font moins de mal qu’un mauvais juge»
[1] Read more at http://www.mon-poeme.fr/citation-juge-juges/#3b4oJsxOJccBoovd.99
[2] Francisco Gomez de Quevedo y Villegas (1580-1645) : Politique de Dieu et gouvernement du Christ, la Révolte de Barcelone Politique, 1635 ;