Par Ansoumane SACKO
Date de publication: Avril 2019
Note sur l’Auteur :
M. Ansoumane SACKO est Docteur en Droit Public. Il est Conseiller à la Cour Constitutionnelle de Guinée. Il est aussi Maitre-Assistant à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de Sonfonia à Conakry.
Résumé
Dans ce travail de recherche, nous avons essayé de traiter l’action de l’Etat (aspects administratif et financier) vis-à-vis des établissements publics administratifs dans les domaines juridique et financier. Dans un premier point, nous avons démontré le soubassement théorique et juridique du contrôle financier de l’établissement public à travers ses organes de gestion. En deuxième point, nous nous sommes focalisé sur la dualité de tutelle (tutelle administrative et tutelle financière). Notre démarche s’inscrit dans une approche analytique des questions de droit et de finances ainsi que des concepts utilisés. L’objectif étant d’analyser la théorie de gestion des EPA et dégager des enseignements qui pourraient être exploités par les responsables dans l’instauration des meilleures pratiques de gestion.
Introduction
Les établissements publics (EPA) jouent un rôle important dans le développement économique et social du pays. La mise en place des stratégies sectorielles engagées par l’Etat guinéen sont fortement prises en charge par les (EP) et couvrent pratiquement tous les secteurs clés de l’économie : énergie, agriculture, pêche maritime, tourisme, industrie, logistique, formation professionnelle ….
L’établissement public est une personne morale de droit public, dont les ressources sont affectées à un service ou à un groupe de services publics déterminés en vue de satisfaire aux besoins spéciaux des habitants, soit de l’ensemble du territoire ; soit d’un département, d’une commune ou d’un groupement de communes[1]. Dans son traité élémentaire de droit administratif, WALINE soutient une opinion très proche « l’établissement public est une personne de droit administratif spécialisée et gérant avec une certaine autonomie, le service public[2] ». Ces définitions légale et doctrinale montrent clairement que sur le fond, tout le monde est d’accord. L’établissement public assure bien un service public[3]. Tous les auteurs admettent également la vocation spéciale de l’établissement public. Selon l’objet de leur activité ou les nécessités de leur gestion, les établissements publics sont dits à « caractère administratif » ou à « caractère industriel et commercial »[4].
Par ailleurs, il n’y a pas de bonne gouvernance sans transparence administrative, et cela, à quelque niveau où l’on se situe. C’est en 1992 que la Banque Mondiale a donné une vision un peu plus « complète » et générale à son approche de bonne gouvernance et du développement[5]. Ainsi, la BM donne la définition suivante au concept de bonne gouvernance « the manner in which power is exercised in the management of a country’s economic and social resources for development ». (La manière par laquelle le pouvoir est exercé dans la gestion des ressources économiques et sociales d’un pays au service du développement)[6]. Ce document établit une distinction entre trois aspects de gouvernance : la forme d’un régime politique, les processus par lesquels l’autorité publique est exercée dans la gestion des ressources économiques et sociales d’un pays et la capacité d’un gouvernement à concevoir, à formuler et à mettre en œuvre des politiques et la façon de mener les fonctions du gouvernement.
En vertu de sa qualité de banque de développement résultant de ses statuts, l’approche de la bonne gouvernance retenue par la banque en 1992 résidait dans les deux derniers domaines qui touchent directement la gestion des affaires publiques et les politiques économiques. Un autre document non moins important est celui de 1994[7] où la banque souligne que la prise en compte des institutions et du social est indispensable dans tous processus de développement. A travers la qualité des institutions, elle cherche à expliquer l’échec des réformes de développement et le renforcement de la pauvreté dans les PVD, cette dernière étant jusqu’ici expliquée par la théorie néoclassique du développement comme le résultat de la faiblesse de la productivité[8]. Cela suggère que les politiques économiques doivent être plus centrées sur la mise en place de « bonnes » institutions que sur la politique macroéconomique.
Le Comité d’aide au développement de l’OCDE dont les travaux se sont inscrits dans la mouvance de ceux de la Banque Mondiale, définit la bonne gouvernance comme « l’utilisation de l’autorité politique et l’exercice du contrôle en rapport avec la gestion des ressources d’une société en vue du développement économique et social ». Cette définition lie la bonne gouvernance au développement participatif, aux droits de l’homme et à la démocratisation ; elle identifie le respect des lois, la gestion du secteur public, la lutte contre la corruption et la réduction des dépenses militaires comme des dimensions importantes de la bonne gouvernance. Elle met en évidence que la bonne gouvernance est consubstantielle au contrôle. La commission sur la gouvernance globale a proposé une définition plus générale, où la gouvernance est la somme des multiples façons par lesquelles les individus et les institutions publiques et privées règlent leurs affaires communes[9]. Par ailleurs, quelles que soient les définitions données à la notion de contrôle, il convient de retenir avec Monsieur LEVY « qu’il est le rapprochement d’une activité de l’administration telle qu’elle est, a été ou sera avec ce qu’elle doit ou devrait être »[10].
En Guinée, deux raisons expliquent le recours au contrôle des EP. La première raison est interne et elle est due au gaspillage et au détournement de fonds. La deuxième raison est externe et s’explique par la prédominance de la rationalité européenne du contrôle financier.
Le contrôle financier s’exerce sur les établissements à caractère administratif (EPA) comme il s’applique aux établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) appartenant les deux à la fois à la sphère marchande et non marchande. Cependant, la présente étude est axée sur les EPA. Le contrôle des EPA a pour mission de sauvegarder les deniers publics à travers ses opérations susceptibles d’avoir une répercussion financière directe ou indirecte. Ces opérations prennent comme une référence les lois de finances, statut du personnel, décisions des ordonnateurs, circulaires, lois sur les impôts et taxes, décrets, arrêtés, code des marchés publics, notes de service…).
L’action de l’Etat des établissements publics était toujours un point de débat, chacun réagit de sa manière. Les acteurs du contrôle financier de l’Etat (contrôleur d’Etat, contrôleur payeur) et les ordonnateurs des établissements (EPA) sont l’objet de ce débat dans la facette de l’opinion publique et se trouvent dans la contradiction entre l’application de la loi (performance procédurale) et l’amélioration de la performance économique et financière, d’où la question de la souplesse de la loi. Ainsi un certain nombre de questions se posent : Quel est l’aspect théorique du contrôle financier de l’Etat ? Quels sont les principaux instruments de gestion utilisés par les EPA ? La performance publique est- elle une finalité pour le contrôle financier de l’Etat ? De là, une question principale se pose : dans quelle mesure la notion de la performance publique s’influence par le contrôle financier de l’Etat sur les établissements et entreprises publics ? Notre recherche se situe au confluent du droit et des finances dans ce sens, nous évoquerons l’arsenal juridique du contrôle financier de l’Etat sur les EPA ainsi que les enjeux de la performance publique comme une finalité du contrôle financier de l’Etat.
En Guinée, quelle que soit la dénomination particulière, il existe un cadre général des organes de gestion des EPA (I) et une dualité de tutelles ministérielles sur lesdits établissements (II).
I : Les organes de gestion et de contrôle
Les établissements publics sont des personnes morales de droit public dotées de l’autonomie financière et de gestion, ayant reçu de l’Etat, un patrimoine d’affectation en vue de la réalisation d’une mission d’intérêt général. C’est la loi L/93/021/CTRN/SGG du 6 mai 1993 portant cadre institutionnel des établissements publics à caractère administratif et le décret D/93/100/PRG/SGG qui réglementent l’organisation et le fonctionnement des établissements publics de ce type. Ces textes fixent également les organes de contrôle ainsi que les modalités d’exercice. On peut donc distinguer juridiquement l’organe délibérant : le Conseil d’Administration (A) de l’organe de direction (B) mais aussi du cadre général de contrôle de la gestion administrative et financière (C).
A : L’organe délibérant : le CA
En général, la loi précitée sur les établissements publics détermine trois organes de gestion dans le cadre de l’organisation et le fonctionnement desdits établissements : le Conseil d’Administration, la Direction Générale et l’Agent Comptable.
Le Conseil d’Administration est un organe délibérant qui élit en son sein un bureau composé d’un Président, d’un Vice-président et un Secrétaire. Aucun membre de l’autorité de tutelle ne peut être élu comme président ou vice-président. Ce mécanisme assure une certaine autonomie de l’établissement par rapport à l’organe de tutelle. Le régime juridique aménage deux possibilités pour mettre fin à la mission du CA : un régime individuel et un régime général. Pour le premier, il peut être mis fin à la mission d’un membre du CA suivant trois conditions, lorsque :
– il perd la qualité qui a justifié sa nomination ;
– l’autorité qui est à l’origine de sa désignation le demande ;
– il n’a pas assisté à trois réunions successives du conseil pour quelque raison que ce soit[11].
Dans ce cas, la réglementation prévoit son remplacement pour une durée restant à courir son mandat, dans les conditions prévues à l’article 13 de la loi précitée[12].
A propos du régime général, le CA peut être révoqué dans son ensemble par décret pris en conseil des ministres, sur proposition de l’autorité de tutelle lorsque son activité compromet gravement le fonctionnement dans les conditions fixées à l’article 13 de la loi L/021/CTRN/SGG portant sur le EPA. Compte tenu du rôle essentiel que joue la CA dans l’organisation et le fonctionnement de l’établissement public administratif, une certaine expérience est requise pour être membre. C’est ce qui ressort de l’article 7 du décret précité sur les établissements publics qui dispose que : « ne peuvent faire partie du Conseil d’Administration d’un établissement public administratif, que les personnes qui ont occupé au cours des cinq années précédentes, au sein dudit établissement, les fonctions de : directeur général, directeur général adjoint, contrôleur financier ou commissaire aux comptes ». Dans l’exercice de son activité, le CA se réunit en session ordinaire au moins une fois par semestre à une date fixée par le président. Si les circonstances l’exigent, la possibilité est donnée au CA de se réunir en session extraordinaire à la demande de l’autorité de tutelle, à l’initiative de son président ou enfin à la demande du tiers au moins de ses membres. Dans ce cas, si la loi détermine la composition du CA, aucune précision n’est faite concernant le nombre. Dans le cas plus précisément des sessions extraordinaires, l’ordre du jour doit comporter obligatoirement les points qui ont motivé la demande de réunion.
Toutefois, la première réunion consécutive à la constitution du CA est convoquée par le ministre chargé de la tutelle. Son ordre du jour comporte exclusivement l’élection du bureau. Le CA ne peut délibérer valablement que si la moitié de ses membres au moins sont présents ou représentés. C’est pourquoi, la réglementation exige la présence obligatoire des membres aux réunions du CA.
En effet, la prise de décision est faite à la majorité absolue des membres présents ou représentés. En cas de partage des voix, celle du président est prépondérant. Le directeur général et l’agent comptable n’étant pas membres du conseil, peuvent assister avec voix consultative.
L’article 13 du décret portant organisation et fonctionnement des EPA, assure au CA des prérogatives importantes qui font de ce dernier un organe incontournable. Sous réserve des pouvoirs de l’autorité de tutelle, et dans le cadre du décret portant création de l’établissement public, le CA prend toutes les décisions concernant la gestion de l’établissement et plus précisément[13] :
– il fixe le contenu et les limites des délégations qu’il consent éventuellement au directeur général ;
-il approuve les budgets et les comptes ;
– il approuve les rapports d’activité du directeur général ;
– il décide de l’affectation des moyens matériels, humains et financiers ;
– il détermine l’organisation interne, fixe le règlement intérieur et le cadre organique ;
– il détermine les effectifs et les rémunérations ;
– il décide les acquisitions et aliénations immobilières ;
– il approuve les baux à loyer de plus de trois ans ;
– il autorise les emprunts.
En plus des attributions, suscitées, le décret portant création de l’établissement public peut lui réserver toute autre attribution. Le CA est suivi par un autre organe de gestion appelé : la Direction générale.
B : L’organe de direction
Il est en effet l’organe exécutif de l’établissement, composé d’un Directeur général et d’un Directeur général adjoint[14]. Il s’agit généralement des fonctionnaires en position de détachement. Ses prérogatives ne sont pas moins importantes dans l’organisation et le fonctionnement du service public géré par les EPA. Il assure d’une part, la mise en œuvre des décisions du CA ; d’autre part, il assure les exigences du fonctionnement interne de l’établissement. A cet effet, il recrute le personnel nécessaire soit directement par contrat, soit en demandant le détachement ou dans le cas prévue à l’article 28 du décret relatif aux établissements publics, la mise à disposition de fonctionnaires[15].
Ce dernier cas concerne par exemple les établissements d’enseignement supérieur ou de recherche, érigés en établissement publics administratifs. Le Conseil d’Administration est tenu dans ce cas d’espèce, par les dispositions du décret n° 176/PRG/SGG du 27 septembre 1989, régissant les emplois de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique[16]. Le personnel fonctionnaire destiné à occuper les emplois d’enseignement, est mis à la disposition de l’établissement. Tandis que les autres personnels sont directement recrutés. De même, le personnel fonctionnaire destiné à dispenser les soins dans les établissements sanitaires est mis à la disposition de l’établissement.
Dans le cadre des lois et règlements en vigueur, le directeur général est une autorité hiérarchique capable de prendre des actes administratifs. A ce titre, il exerce le pouvoir disciplinaire. Il licencie ou remet à la disposition des administrations d’origine les agents placés sous ses ordres. Sous réserve des dispositions contraires, notamment en ce qui concerne l’agent comptable, il nomme à tous les postes prévus dans l’organigramme. Conformément à la réglementation en vigueur et dans les limites éventuelle fixées par le Conseil d’Administration, le directeur général signe les contrats, conventions, baux et marchés qui engagent l’établissement. Aussi en matière de litige, il représente son établissement en justice et vis-à-vis des tiers. Il relève également de ses prérogatives de préparer le projet de budget, d’examiner les comptes et les soumettre à la décision du Conseil d’Administration. En retour, il est l’ordonnateur du budget. Nous approfondirons ce dernier aspect dans le cadre général de contrôle de la gestion administrative et financière.
C : Le cadre général de contrôle de la gestion administrative et financière
Toutes les structures de contrôle interviennent auprès des EPA pour exercer un certain contrôle en plus des organes qui leurs sont propres. C’est à ce niveau qu’on peut parler d’un cadre général de contrôle de gestion administrative et financière. Tout comme au niveau de l’Etat, les fonctions d’agent comptable et de directeur d’un même établissement sont incompatibles. L’ordonnateur[17] est toute personne ayant reçu qualité à cet effet et quel que soit le titre qui lui est conféré par les textes organisant l’établissement. Il constate et liquide les créances en vue de leur recouvrement, il engage et ordonne les dépenses. Le comptable est dénommé « agent comptable »[18], il détient les fonds et valeurs de l’établissement et effectue sous sa responsabilité personnelle et pécuniaire, les recouvrements et les paiements. Quelques soient les particularités ou les dérogations résultant de l’application d’un régime spécial, les EPA dotés d’un agent comptable sont soumis aux règles générales suivantes :
– leurs budgets[19] ou état prévisionnel et leurs comptes financiers doivent être approuvés par le Ministre de tutelle et le Ministre des finances ;
– leur gestion financière est soumise aux contrôles prévus au titre 4 et suivant les articles 124 à 132 du décret D/2012/015/PRG/SGG, portant règlement général de gestion budgétaire et de comptabilité publique ;
– leurs comptes sont soumis aux jugements de la Cour des comptes ;
– l’approbation expresse du Ministre chargé des finances est nécessaire pour rendre exécutoire les délibérations du conseil d’administration concernant : la fixation des tarifs applicables aux services rendus par l’établissement, la fixation des taxes parafiscales, l’acceptation des dons et legs grevés de charges et affectations immobilières, l’aliénation des biens immobiliers et l’émission des emprunts. En outre, des régies d’avances ou de recettes peuvent être instituées par décision du directeur après approbation du CA. Leurs titulaires sont nommés par le directeur sur proposition de l’agent comptable[20] sous le contrôle duquel il est placé.
La comptabilité des EPA décrit l’exécution de leurs opérations et suit la gestion de leur patrimoine. Elle est organisée en vue de permettre le contrôle de ces opérations, la connaissance de la situation patrimoniale, le calcul des prix de revient, du coût et du rendement des services et la détermination des résultats annuels.
Le contrôleur financier de l’établissement est chargé d’effectuer le visa préalable des opérations de dépenses. Il doit se faire communiquer pour avis, tout marché, contrat ou convention et, d’une manière générale, tous document financier et comptable ainsi que toutes études économiques. Si les décisions en matière de crédits ou d’emplois qui lui sont soumises par l’ordonnateur lui paraissent entachées d’irrégularités, le contrôleur financier est tenu de refuser son visa. Il en est de même lorsqu’un contrôleur financier a pu établir que les certifications délivrées par les ordonnateurs sont inexactes. En cas de désaccord persistant entre le contrôleur financier et l’ordonnateur, ce dernier peut saisir le Ministre chargé des finances du dossier litigieux. Le ministre chargé des finances peut, après examen de l’ensemble du dossier, accorder par écrit son visa au lieu et place du contrôleur financier. Copie de sa décision est transmise sans délai à la Cour des comptes. Dans ce cas, la responsabilité personnelle du Ministre chargé des finances se substitue à celle du contrôleur financier[21]. Il appartient au contrôleur financier d’établir au moins une fois par an, un rapport d’ensemble sur la situation financière de l’établissement public et de l’adresser aux Ministres intéressés.
La vérification des caisses et des écritures des agents comptables des EPA est effectuée par l’inspection des services du Trésor sous l’autorité du Directeur National du Trésor et de la comptabilité publique. Aux termes de l’article 126 du décret D/2012/015/PRG/SGG, le contrôle des opérations des ordonnateurs, contrôleurs financiers et agents comptables des EP relève de l’I.G.E. et de l’I.G.F en liaison, le cas échéant, avec les inspections ministérielles. Les procès-verbaux d’inspection et d’audit comportant des observations et réponses de l’ordonnateur, du contrôleur financier et de l’agent comptable, sont communiqués au CA et transmis au Ministre chargé des finances et au Ministre de tutelle ; d’où la dualité de tutelle ministérielle.
II : La dualité de la tutelle Ministérielle
En Guinée, c’est le décret D/2012/015/PRG/SGG, portant règlement général de gestion budgétaire et de comptabilité publique, qui fixe le régime de contrôle des EPA. Leur contrôle relève d’une double tutelle (administrative et financière). En ce qui concerne les entreprises publiques et parapublics, l’autonomie conférée à celles-ci est limitée par des pouvoirs d’orientation générale, d’intervention sur certains actes de nomination et de révocation des dirigeants, qui sont désignés par le terme de « tutelle »[22]. C’est l’ordonnance n°01/025/PRG/SGG qui définit le cadre institutionnel et juridique des entreprises publiques[23]. En prenant seulement en compte l’étude des EPA dans cette étude et cela conformément à la délimitation que nous nous sommes imposée, il convient naturellement de dire que ces derniers sont placés sous la tutelle administrative d’un Ministre sectoriel et sous la tutelle financière du Ministre chargé des finances. Les tutelles administrative (A) et financière (B) sont donc complémentaires à ce niveau.
A : La tutelle administrative
En Guinée, les établissements publics administratifs sont soumis à une autorité de tutelle dans les conditions fixées par la loi L /93/021/CTRN/SGG du 6 mai 1993 portant cadre institutionnel des établissements publics à caractère administratif et le décret D/93/100/PRG/SGG fixant les règles d’organisation et de fonctionnement des EPA. Conformément à l’article 29 de la loi précitée, la tutelle administrative s’exerce par voie d’autorisation préalable, d’accord préalable, d’opposition et de substitution. Aux termes des articles 37 et 38 dudit décret, les EPA sont soumis à une autorité de tutelle dans les conditions fixées par la loi L /93/021/CTRN/SGG du 6 mai 1993. Lorsque l’autorisation préalable est requise, la décision ne peut être mise en œuvre avant que l’autorité de tutelle ait donné cette autorisation de façon explicite et expresse. C’est pourquoi, pour permettre à la tutelle l’exercice de ses prérogatives, le CA est chargé de lui communiquer le procès-verbal de toutes ses délibérations. L’article 39 du décret précité détermine les décisions soumises à l’accord préalable[24]. Il doit être donné par l’autorité de tutelle dans le délai de quinze (15) jours suivant la réception du procès-verbal du CA. Si l’autorité de tutelle n’a pas fait connaître sa décision jusqu’à l’expiration de ce délai l’accord est réputé acquis et la décision peut être mise en œuvre. Toutes les autres délibérations du C.A. sont exécutoires de plein droit sauf opposition de l’autorité de tutelle[25]. Il convient de noter que l’autorité de tutelle peut en outre annuler par acte motivé, toute décision contraire aux lois et règlements en vigueur.
La tutelle de l’Etat est exercée sur l’établissement public par le ministre de tutelle. Celle-ci consiste en la fixation des objectifs à atteindre par l’établissement et dans le suivi des décisions prises. La tutelle administrative est exercée par le ministre auquel relève l’établissement public ou l’entreprise publique. Il s’agit par exemple, la tutelle administrative qu’exerce le ministre d’Etat à l’environnement, de l’énergie et du développement durable sur l’Electricité De Guinée (EDG) ou sur la Direction Générale du Fonds de l’Hydraulique. En vertu des termes du titre III du décret D/93/100/PRG/SGG du 06/05/93, la tutelle de l’institution d’enseignement supérieur et de la recherche scientifique est exercée par le Ministre en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique.
Les objectifs de cette tutelle administrative sont :
-la supervision du bon fonctionnement des organes et l’accomplissement des missions ;
-le contrôle de l’exécution des programmes de développement et l’assurance de la qualité et de la pertinence.
Elle s’opère par voie d’approbation, d’autorisation, de suspension ou d’annulation des décisions relatives aux budget, actes du CA, programmes de développement et d’investissement et hypothèques. Le CA intervient aussi en vue de contribuer au fonctionnement régulier de l’établissement sous réserve de l’autorité de tutelle. Il prend des décisions qui déterminent les objectifs, l’organisation interne et les programmes d’activités. Il joue principalement un rôle de supervision et ne peut se substituer à la direction générale dans la gestion courante des EP. L’aspect financier de la tutelle des EP est aussi déterminant.
B : La tutelle financière
Les décisions en matière de tutelle financière sont prises après avis du Ministre chargé des finances. L’objet de cette tutelle est de s’assurer de la régularité des opérations de recettes et de dépenses effectuées par les EP et d’en rendre compte. Il permet d’apprécier l’efficacité de la gestion et de s’assurer que les ressources générées ou mises à la disposition des institutions servent à réaliser les objectifs qui leur sont assignés. Tout le processus de contrôle se déroule en trois étapes qu’on peut regrouper en deux : les contrôles préventifs et périodiques (1) et les contrôles a posteriori (2). Ces contrôles de gestion s’effectuent conformément aux lois et règlements en vigueur[26].
1 : Les contrôles a priori et périodique
Le contrôle a priori est exercé par le contrôleur financier, le comité de suivi budgétaire, le conseil d’administration et les ministères de tutelle. Le contrôleur financier de l’établissement public est chargé d’effectuer le contrôle préalable des opérations de dépenses. Ces contrôles effectués sont ceux dont les modalités sont définies aux articles 124 à 132 du décret D/2012/015/PRG/SGG, portant règlement général de gestion budgétaire et de comptabilité publique. Deux fois par an, le contrôleur financier établit en liaison avec l’agent comptable, un rapport d’ensemble sur la situation financière et la qualité de la gestion de l’établissement et l’adresse aux Ministres intéressés.
Le CA, et l’Administration et Contrôle des Grands Projets et Marchés Publics (ACGPMP)[27] exercent des contrôles préalables sur les marchés conformément aux dispositions de l’article 3 de l’arrêté A/2015/065/MEF/SGG du 28 janvier 2015, portant fixation des seuils de passation, de contrôle et d’approbation des marchés publics applicables à l’Etat, aux services déconcentrés (Régions, Préfectures) et aux établissements publics respectifs les seuils respectifs. Les seuils de passations sont fixés comme suit :
– marchés de travaux : 250 millions GNF, seuil unique pour l’Etat, les EP, les sociétés publiques…100 millions pour les services déconcentrés et leurs établissements publics respectifs ;
– marchés de fournitures : 100 millions pour l’Etat, les EP…50 millions pour les services déconcentrés ;
– marchés de prestations de services : 100 millions pour l’Etat, les EP…50 millions pour les services déconcentrés.
Aux termes du titre II, article 107 du décret D/2012/015/PRG/SGG portant Règlement général de gestion budgétaire et de comptabilité publique et l’article 38 du décret D/93/100/PRG/SGG, l’aliénation des biens immobiliers et l’émission d’emprunt sont soumises à l’autorisation préalable de l’autorité de tutelle et du Ministre chargé des finances. Cependant, les baux à loyer de plus de 3 ans sont soumis à l’autorisation préalable du CA[28].
Par ailleurs, il existe dans les institutions d’enseignement supérieur, le Comité de Suivi Budgétaire. Ce Comité est chargé du monitoring des procédures et comptes de gestion des institutions d’enseignement supérieur et de recherche scientifique autonomes. Il est chargé de passer en revue les comptes et les procédures de gestion des institutions, de donner un avis pertinent et de faire des recommandations en vue de l’amélioration de la gestion. Pour ce faire, il est chargé d’un contrôle périodique des comptes de gestion et des procédures dans ces institutions et produire des comptes d’opinion qui seront distribués à tous les services et autorités concernés. Quant au contrôle a posteriori, il s’exerce suivant une modalité particulière.
2 : Le contrôle a posteriori
Selon les termes de la Loi L/2001/029/AN du 31 décembre 2001, le contrôle des structures des services publics vise à mettre en œuvre une politique d’adaptation permanente de l’organisation et du fonctionnement des services publics à leurs missions. Cette loi régit aussi les principes relatifs à la création, l’évaluation des incidences administratives des réformes sectorielles élaborées par les départements techniques, le contrôle des effectifs des services publics à l’aide des cadres organiques. Le CA peut charger un commissaire au compte d’examiner la comptabilité et de certifier la régularité, la sincérité et l’exactitude des comptes de l’établissement. Les commissaires aux comptes choisis sur la liste des experts comptables agréés par le ministre des finances sont nommés par le CA après avis du ministre des finances. Ils adressent au CA un rapport de leurs opérations et assistent à la réunion du CA au cours duquel ce rapport est examiné[29]. A la fin de chaque année financière, l’agent comptable prépare le compte financier de l’établissement[30]. Le compte financier est soumis, par le directeur, au CA qui adopte le compte financier après avoir entendu l’agent comptable et le contrôleur financier s’il y a lieu. Après adoption, le compte financier accompagné des pièces justificatives, est transmis dans le délai fixé par les statuts de l’établissement au Ministre de tutelle et au Ministre chargé des finances, pour approbation.
Sous l’autorité du ministre chargé des finances, le contrôleur financier d’un EPA met en œuvre la politique du Gouvernement en matière de contrôle de la dépense publique au niveau de l’établissement dans lequel il exerce ses fonctions. Il assure auprès des dirigeants de l’établissement une mission de conseiller en matière de gestion de la dépense publique. En ce qui concerne les institutions d’enseignement supérieurs par exemple, il exerce les activités de contrôle en amont et en aval des activités de gestion et rend périodiquement compte des procédures de gestion en cours à l’autorité compétente en vertu des termes de l’arrêté n°94/04273/PRG/SGG du 29 septembre 1994 fixant les procédures d’octroi de la subvention de fonctionnement des universités et instituts supérieurs.
Le contrôle par l’agent comptable[31] suit la gestion des établissements publics. Il détient les fonds de l’établissement et effectue sous sa responsabilité personnelle et pécuniaire, les recouvrements et les paiements. A ce titre, il est chargé d’assurer l’exécution de toutes les opérations de dépenses et des recettes. Il a la qualité de comptable public principal au sens de l’article 88 du règlement général de gestion budgétaire et de comptabilité publique. Ses attributions sont les suivantes : le contrôle de la régularité de l’exécution des opérations d’engagement, de paiement et de recouvrement. Il assure la tenue de la comptabilité budgétaire, la comptabilité générale, la comptabilité analytique. Il assure dans le même sens l’inspection des régies financières des établissements. Suivant l’article 23 du décret D/93/100/PRG/SGG sur les EPA, l’agent comptable tient seul la comptabilité de l’établissement.
Conclusion
Le champ d’application du contrôle ratione personae en Guinée doit être déterminé à partir de la finalité à laquelle obéit la fonction de contrôle de l’Etat, compte tenu des options politiques fondamentales. De façon générale, en Guinée, le dispositif interne de contrôle mis en place à l’échelon supérieur intéresse l’ensemble des services et organismes qui participent au fonctionnement de l’Etat ou qui peuvent être associés, de façon directe ou médiate, à ses interventions dans le secteur public. Le régime financier des établissements publics et des personnes morales placées sous le contrôle et la tutelle de l’Etat a subi de nombreuses modifications depuis l’accession de la Guinée à l’indépendance. Bien qu’il existe une terminologie commune des contrôles, les modalités de leur organisation et de leur fonctionnement ont révélé une certaine diversité de leur situation juridique, qui n’a pas manqué d’accroître à leur égard la dispersion des responsabilités administratives.
[1] Voir, l’article 1er et s. de la loi L/93/021/C.T.R.N., précitée portant sur les EPA.
[2] M. WALINE, Traité élémentaire de droit administratif, 6ème E.D.C.E., 1957, p. 245.
[3] Il importe peu que les auteurs ne soient pas d’accord sur la notion de service public.
[4] Les établissements publics à caractère industriel et commercial sont soumis aux règles de gestion budgétaire et comptable applicables aux sociétés commerciales ; de ce fait ils ne sont pas soumis aux dispositions du décret relatif à la comptabilité publique. Voir, article 100 du décret D/2013/015/PRG/SGG.
[5] Banque Mondiale, Governance and Development, Washington D.C., Oxford University Press, 1992, pp.10 et s.
[6] Traduction libre.
[7] Banque Mondiale, The World bank’s perspectives, 1994, pp.45 et s.
[8] CHARPENTIER (M.) et GRANDJEAN (Ph.), « Secteur public et contrôle de gestion (pratique, enjeux et limites), La Revue du Trésor, n°11, nov. 1998, p. 649.
[9] HEWITT (C.), « du bon usage du concept de gouvernance », in Revue internationale des sciences sociales, n° 155, mars 1995, pp. 109-118.
[10] Lire D. LEVY, Aspects généraux du contrôle, ouvrage collectif, traité des sciences administratives, Sirey, p. 633.
[11] Voir, l’article 4 du décret D/93/100/PRG/SGG portant l’organisation et le fonctionnement des établissements publics à caractère administratif.
[12]Aux termes de l’article 13 de loi L/93/021/CTRN/SGG du 6 mai 1993 portant cadre institutionnel des établissements publics administratifs, « Le Conseil d’administration est nommé pour une durée de deux ans au minimum et de cinq ans au maximum. Le décret de création fixe cette durée ».
[13] Voir l’article 15 de loi L/93/021/CTRN/SGG du 6 mai 1993 portant cadre institutionnel des établissements publics administratifs.
[14] Ibid. articles 16 et 17.
[15] Le personnel de l’établissement est constitué : – du personnel propre directement recruté par le directeur général et qui reste placé sous le régime du code de travail ;- de fonctionnaires mis en position de détachement dans les cas expressément prévus par la réglementation, ou le texte de création. Le décret portant création de l’établissement peut, le cas échéant, fixer la proportion à respecter entre ces deux catégories d’agents. Voir article 27 du décret D/93/100/PRG/SGG qui réglemente l’organisation et le fonctionnement des établissements publics.
[16] Voir l’article 26 de loi L/93/021/CTRN/SGG du 6 mai 1993 portant cadre institutionnel des établissements publics administratifs.
[17], L’ordonnateur est toute personne ayant qualité au nom de l’Etat de prescrire l’exécution des recettes et dépenses inscrites au budget de l’Etat. Voir article 79 du décret D/2012/015/PRG/SGG. Voir également, SAIDJ (L.) « Réflexion sur le principe de séparation des ordonnateurs et des comptables », R.F.F.P., n°41, 1993, pp. 64-72.
[18] Conformément à l’article 86 du décret D/2012/015/PRG/SGG, portant règlement général de gestion budgétaire et de comptabilité, le comptable publique est tout agent public régulièrement habilité par le Ministre chargé des finances pour effectuer, à titre exclusif et au nom de l’Etat, des opérations d’encaissement de recettes, de paiements de dépenses ainsi que des opérations de trésorerie et de financement ou de maniement de titres, soit au moyen de fonds et valeurs dont il a la garde, soit par virement interne d’écritures.
[19] Aux termes des articles 102 à 105 du décret D/2012/015/PRG/SGG portant règlement général de gestion budgétaire et de comptabilité, le budget des établissements publics administratifs obéit aux mêmes procédures d’établissement, d’approbation de modification similaire à celui de l’Etat.
[20] Les régisseurs sont soumis aux mêmes obligations et responsabilités que celles des régisseurs de l’Etat.
[21] Article 70 du décret D/2012/015/PRG/SGG portant règlement général de gestion budgétaire et de comptabilité.
[22] André DELION, le droit des entreprises et participations publiques, Paris, L.G.D.J., 2003. p. 83.
[23] En Guinée, conformément à l’article 1 de l’ordonnance n°01/025/PRG/SGG portant cadre institutionnel des entreprises publiques, les entreprises publiques revêtent la forme : soit d’une société anonyme à participation publique ; soit d’un établissement public à caractère industriel et commercial. Aux termes de l’article 2 de l’ordonnance précitée, les entreprises publiques sont en principe, créées sous forme de sociétés anonymes de type commercial ; elles constituent alors des sociétés anonymes à participation publique. Quant à l’article 13 du même texte il dispose que les entreprises publiques créées sous forme d’établissement public à caractère industriel et commercial sont celles qui doivent exercer une mission, d’intérêt général ou de service public.
[24] Il s’agit de : l’acceptation des dons, la définition des objectifs et programmes, les décisions fixant l’organisation interne de l’établissement contrairement à l’autorisation préalable qui n’est assorti d’aucune prescription de délai et donnée de manière explicite et expresse, l’accord reste soumis à un délai de 15 jours à partir de a réception au-delà duquel il est donné facilement.
[25] Ces cas d’opposition sont prévus à l’article 41 du décret D/93/100/SGG. Il s’agit des cas suivants : la décision en cause compromet l’exécution de la mission confiée à l’établissement, la décision est contraire aux orientations de la politique générale du Gouvernement, la décision est contraire à la réglementation interne de l’établissement, la décision compromet l’équilibre financier de l’établissement.
[26] Notamment : la loi L/93/021/CTRN/SGG du 06/06/1993, portant cadre institutionnel des établissements publics à caractère administratif ; le décret D/93/100/PRG/SGG du 06/05/1993, fixant les règles d’organisation et de fonctionnement des établissements publics administratifs. En plus, pour le cas particulier des institutions d’enseignement supérieur. Voir l’arrêté n°94/04273/PRG du 29/09/94, fixant les procédures d’octroi de la subvention de fonctionnement des universités et institutions d’enseignement supérieur.
[27] Voir, article 48 et suivants du code des marchés publics.
[28] Voir, article 13 du décret D/93/100/PRG/SGG.
[29] Leur rémunération est fixée par le Conseil d’Administration et imputée au budget de l’établissement.
[30] Le compte financier comprend les documents de synthèse, les annexes et les pièces justificatives prévues par les textes réglementaires en vigueur relatifs à la nature de l’établissement public.
[31] Ses attributions sont fixées par les articles 131 et suivants du décret D/2012/015/PRG/SGG portant règlement général de gestion budgétaire et de comptabilité publique et de l’arrêté n°94/04273/PRG/ du 29/09/94 fixant les procédures d’octroi de la subvention de fonctionnement des Universités et instituant supérieurs en ses chapitres II et III.