Par Aïssatou Bah
Date de publication: 30 mars 2022
Note sur l’Auteur : Madame Aïssatou Bah est juriste au Cabinet d’Avocats Guilex Avocats. Elle est titulaire d’un Master en Droit de l’Ingénierie Fiscale et Financière.
Dans cet article, Mme. Bah analyse le cadre légal du prix de transfert en Guinée, en particulier les pouvois de l’administration fiscale.
Le système fiscal guinéen dans sa globalité s’appuie sur la confiance aux contribuables, c’est-à-dire que la collecte de l’impôt repose pour une large part sur le système déclaratif. En contrepartie de cette obligation faite aux contribuables de produire des déclarations sincères et exactes, l’Administration fiscale dispose d’un pouvoir de contrôle, lui permettant ainsi de s’assurer de la véracité des déclarations et de pouvoir procéder, le cas échéant, aux rectifications des bases d’imposition nécessaires, jusqu’à sanctionner les contribuables.
Ainsi, après avoir analysé dans un premier article, l’obligation de documentation du prix de transfert qui pèse sur les entreprises[1], ce second article portera sur le pouvoir de contrôle de l’Administration fiscale guinéenne en matière de prix de transfert.
Le contrôle fiscal exercé par l’Administration fiscale sur le prix de transfert est celui exercé lors de la vérification ou de l’examen de comptabilité. Il permet à l’Administration fiscale de vérifier la documentation en prix de transfert (I) et de sanctionner les entreprises en cas de manquement à leur obligation de déclaration (II).
I. La vérification de la documentation du prix de transfert par l’Administration fiscale
Il résulte de l’article 117 Ter-II du CGI de 2021 que l’entité soumise à l’obligation de documentation doit fournir en même temps que sa déclaration de résultat une déclaration simplifiée résumant sa politique en matière de prix de transfert et indiquant :
- la nature et le montant des transactions avec des entités liées ;
- la dénomination sociale et l’adresse du siège social des entités liées;
- la méthode de détermination du prix de transfert appliquée à chaque transaction avec une entité liée.
Ainsi, il résulte de cette disposition, qu’outre l’obligation de documentation du prix de transfert à laquelle sont tenues les entreprises, elles sont également soumises à une obligation de déclaration de ladite documentation du prix de transfert. Cependant, la confiance n’excluant pas le contrôle, l’Administration fiscale exerce également son contrôle sur la même documentation afin de s’assurer du respect de cette obligation.
En effet, au sens de l’article 1126.-I du nouveau CGI, les entreprises doivent présenter leur documentation en prix de transfert au vérificateur à la date d’engagement de la vérification de comptabilité ou de l’examen de comptabilité.
Si la documentation requise n’est pas présentée à cette date, ou ne l’est que partiellement, le vérificateur le constate dans un procès-verbal et adresse à l’entreprise une mise en demeure de produire la documentation ou de la compléter dans un délai de trente (30) jours. Cette mise en demeure doit indiquer les sanctions applicables en l’absence de réponse ou en cas de réponse partielle. L’envoi de la mise en demeure suspend la durée de la vérification jusqu’à l’obtention de la réponse de l’entreprise.
Il faut noter que l’Administration fiscale peut demander mêmes aux entreprises[2] non soumises à l’obligation de constitution d’une documentation en matière de prix de transfert, des informations et documents, dès lors qu’elle réunit des éléments faisant présumer qu’elles ont opéré un transfert indirect de bénéfices. Ces informations et documents doivent préciser :
- la nature des relations entre cette entité et une ou plusieurs entités liées ;
- la méthode de détermination des prix des opérations de nature industrielle, commerciale ou financière qu’elle effectue avec des entités liées et les éléments qui la justifient ainsi que, le cas échéant, les contreparties consenties ;
- les activités exercées par les entités ;
- le traitement fiscal réservé aux opérations et réalisées par les entités liées dont elle détient, directement ou indirectement, la majorité du capital ou des droits de vote.
II. La sanction des entreprises par l’Administration fiscale en cas de manquement à leurs obligations en matière de prix de transfert
En matière fiscale, le contrôle fiscal sous-entend la faculté offerte à l’Administration fiscale de remettre en cause les déclarations ou réponses du contribuable ou de les accepter.
Ainsi, en termes de contrôle du prix de transfert, rien que l’absence de réponse ou la réponse partielle de la part de l’entreprise, après mise en demeure, entraîne l’application[3] d’une amende se portant au maximum à un pourcent (1%) du montant des transactions concernées par les documents et compléments qui n’ont pas été mis à la disposition de l’Administration fiscale. L’amende est modulée en fonction de la gravité des manquements constatés.
En cas de rectification et si le montant est plus élevé, l’amende est majorée de dix pourcent (10%) des droits mis à la charge de l’entreprise, sans préjudice des autres pénalités et amendes éventuellement applicables.
A noter que ces sanctions sont également applicables aux entreprises[4] non soumises à l’obligation de constitution d’une documentation en matière de prix de transfert mais qui ont opéré un transfert indirect de bénéfices.
En outre, l’absence de réponse ou la réponse partielle, après mise en demeure, entraîne l’imposition d’office de l’entreprise. Cette procédure de taxation d’office[5] n’est pas contradictoire et les éléments servants au calcul de l’imposition sont évalués d’office par l’Administration fiscale. Elle se déroule sans que l’entreprise soit invitée à exposer sa position. Toutefois, une notification d’imposition d’office motivée et indiquant sous peine de nullité de l’imposition d’office, le montant de la rectification (les bases d’imposition retenues et les montants des droits, taxes et pénalités en résultant) doit être notifiée à l’entreprise imposée d’office.
Néanmoins, l’entreprise qui fait l’objet d’une imposition d’office a le droit de présenter une réclamation contentieuse devant l’Administration fiscale[6]. Il supporte cependant la charge de la preuve de l’exagération de l’imposition.
[1] https://guilaw.com/la-legislation-guineenne-sur-le-prix-de-transfert-quelles-sont-les-obligations-a-la-charge-des-entreprises/#:~:text=En%20R%C3%A9publique%20de%20Guin%C3%A9e%2C%20le,son%20contr%C3%B4le%20sur%20ladite%20documentation.
[2] Art.1127 du CGI de 2021
[3] Art.1126.- VI du CGI de 2021
[4] Art.1127 du CGI de 2021
[5] Art.1136 du CGI de 2021
[6] Art.1144 du CGI de 2021