Par A. Oumar Koulibaly
Date de publication: 12 janvier 2022
Note sur l’Auteur : Monsieur A. Oumar Koulibaly est un Consultant Juridique et Fiscal. Il est Avocat Stagiaire. Il est titulaire d’un Master 2 Droit des Affaires et Fiscalité.
Dans cet article, M. Koulibaly analyse les innovations apportées à la taxe professionnelle unique par le nouveau Code Général des Impôts.
La loi L/2021/032/AN du 4 juillet 2021 portant Code général des impôts (CGI) a été promulguée par le décret D/2021/236/PRG/SGG en date du 21 juillet 2021. Cette loi a été publiée au journal officiel de la République dans un numéro spécial à la date du 27 août 2021 et est entrée en vigueur le 1er janvier 2022 comme le prévoit l’article 1242 de ladite loi.
Ce nouveau CGI apporte des réformes majeures pour la plupart des impôts et taxes applicables en République de Guinée avec une refonte complète des procédures fiscales.
Dans le cadre de cette réflexion, nous nous intéressons particulièrement à un impôt local, longtemps ignoré et jadis dépourvu d’attractivité : la taxe professionnelle unique (TPU).
La TPU a été instituée par la loi de finances pour 1996[1] et s’appliquait exclusivement aux personnes physiques exerçant des activités commerciales, industrielles et artisanales de manière habituelle dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 150 000 000 FG. Ensuite, son application a été élargie aux personnes morales par la loi de finances pour 2010[2], mais des exclusions de plusieurs activités du bénéfice de son régime étaient prévues dont entre autres : les personnes assujetties à la TVA, les pharmacies, les cliniques, les professions libérales, les boulangeries et pâtisseries modernes, les exploitants d’usine de production, d’établissements hôteliers, les commerçants import-export, certains prestataires de services, etc.
L’attractivité du régime de la TPU se résumait aux exonérations dont bénéficient les personnes qui y sont assujetties. Ces exonérations visaient : la contribution des patentes, les bénéfices industriels et commerciaux (BIC), l’impôt sur les sociétés (IS) et l’impôt minimum forfaitaire (IMF).
Bien que prévoyant ces allègements fiscaux, la TPU a été considérée comme moins attractive pour les PME en raison du seuil d’assujettissement insignifiant et des exclusions qui y étaient prévues.
Par ailleurs, avec le nouveau CGI entré en vigueur le 1er janvier 2022, le régime fiscal de la TPU fait « peau neuve » avec un dispositif incitatif non négligeable.
Qu’est ce qui a changé ?
Relèvement du seuil d’assujettissement et limitation des exclusions
Jadis, seules les personnes physiques ou morales réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 150 000 000 FG pouvaient être placées sous le régime fiscal de la TPU. Aussi, en raison de l’exclusion de plusieurs activités du champ d’application de cette taxe indépendamment du montant du chiffre d’affaires réalisé, il n’était pas permis à certaines entreprises d’y être assujetties.
Avec la réforme, le seuil en dessous duquel on peut être soumis à la TPU a été réhaussé à 1 000 000 000 FG[3]. Le relèvement de ce seuil permet désormais aux entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires inférieur au montant susmentionné, de se placer directement sous le régime de la TPU à moins de se retrouver dans l’une des situations ci-après ou réaliser les activités suivantes :
- Être assujetti à la TVA par option dès lors que les entreprises réalisant un CA inférieur à 1 milliards sont d’office placées sous le régime fiscal de la franchise de TVA[4];
- Les activités de locations de propriétés lorsque ces propriétés ont été inscrites à l’actif de l’entreprise propriétaire ;
- Les gérants des stations de distribution de produits pétroliers ;
- Les comptoirs d’or et de diamants.
Les personnes physiques ou morales se trouvant dans l’une des situations ci-dessus sont exclues du champ d’application de la TPU.
Ce nouveau dispositif permettra donc à plusieurs PME d’être d’office assujetties à la TPU et par conséquent, bénéficier des allègements fiscaux qui en découlent. On peut affirmer que cette réforme constitue un véritable coup de pouce fiscal pour les PME qui vont se retrouver déchargées du paiement de plusieurs impôts et taxes avec à la clé, une facilitation de l’accomplissement des obligations fiscales comme nous le verrons dans les lignes qui suivent.
Extension des exonérations
Si l’ancien dispositif ne prévoyait qu’une exonération limitée à certains impôts, excluant de ce chef, plusieurs catégories d’entreprises, le nouveau dispositif prévoit quant à lui une extension des exonérations.
Désormais, en complément des impôts listés plus haut (Patente, BIC, IS, IMF), les exonérations concernent également : les bénéfices non commerciaux (BNC), les bénéfices agricoles (BA), la taxe sur les activités financières (TAF) et la taxe d’assurance (TAS).
A travers cette extension, nous comprenons qu’outre les secteurs d’activité évoluant dans le domaine commercial, artisanal ou industriel, le législateur a tenu compte désormais de toute activité économique au sens fiscal, une notion plus large, définie par le CGI[5] comme étant « l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence ». En d’autres termes, il s’agit de toute activité même occulte, de producteur, de commerçant ou de prestataire de services y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées.
On peut déduire de cette extension que le seul critère essentiel pour être placé sous le régime fiscal de la TPU, c’est le chiffre d’affaires sous réserve qu’on ne soit pas visé par les exclusions. Autrement, nous comprenons que les institutions de microfinance, les entreprises minières, les entreprises d’assurance et même les banques, etc. peuvent se placer sous le régime de la TPU dès lors que leur chiffre d’affaires n’atteint pas 1 milliards de francs guinéens, même si nous conviendrons que cette dernière hypothèse est peu probable.
Quid de l’assujettissement à la TPU ?
Nous estimons que l’assujettissement est d’office dès lors que le critère relatif au chiffre d’affaires est rempli et que l’activité ne relève pas des exclusions.
Toutefois, il convient de noter que deux (2) régimes d’imposition sont prévus au titre de la TPU. Il s’agit du régime déclaratif et du régime de l’évaluation administrative.
Les assujetties souhaitant se placer sous le régime déclaratif devront soumettre au plus tard le 15 février, une déclaration faisant apparaître le montant du chiffre d’affaires de l’année précédente formant l’assiette d’imposition ainsi que le montant de la taxe, sachant que le taux d’imposition est de 5%. Il est à préciser que la déclaration doit être soumise au Service des impôts du lieu d’exercice de l’activité de l’assujetti.
En revanche, toute personne assujettie à la TPU qui ne soumet pas sa déclaration à la date du 15 février est considérée comme s’étant volontairement placée sous le régime de l’évaluation administrative. Ainsi, le chiffre d’affaires imposable sous ce régime est déterminé par l’Administration fiscale en prenant en compte plusieurs éléments dont entre autres : le local professionnel, le nombre d’employés, le matériel d’exploitation, etc…
En conclusion, il faut retenir que le nouveau CGI offre à travers ce dispositif, un régime fiscal favorable aux PME dont l’attrait s’illustre par la simplicité de liquidation et de paiement de la taxe en plus des allègements fiscaux que le dispositif accorde. Toutefois, les impôts et taxes à la charge des employés et des tiers restent dus par les entreprises qui y seront assujetties.
Par ailleurs, il reste à savoir comment ce régime va être mis en œuvre par l’Administration fiscale pour les entreprises qui n’étaient jusque-là pas assujetties en raison de leur activité au regard de l’ancien dispositif. On espère que l’Administration fiscale nous édifiera dans les jours à venir.
[1] Loi L/95/009 du 28 décembre 1995 portant loi de finances pour 1996 (article 69)
[2] Ordonnance N°002/PRG/CNDD/SGPRG/2010 portant loi de finances pour l’année 2010 du 12 mars 2011 (article 19)
[3] Dans le premier projet de la loi qui a été soumis à l’Assemblée nationale, ce seuil était fixé à 800 000 000 FG
[4] Désormais, les personnes ayant réalisé un CA (N-1) inférieur à 1 000 000 000 FG sont placées sous le régime de la franchise de TVA. Mais l’option à la TVA est envisageable si le CA (N-1) ou en cours ou le montant total des investissements est égal ou supérieur à 500 000 000 FG
[5] Article 358 Bis du CGI en vigueur